Tu voudrais savoir si tu dois parler ou te taire.
Crois-tu que le silence complice cache les sentiments avoués et les faits dévoilés ?
Crois-tu que le fait de refouler empêche le brusque jaillissement et l’explosion ?

Regarde le ruisseau, le courant, le fleuve que les hommes se plaisent à contrer, à endiguer… l’eau s’amasse, stagne, puis bouillonne, et si la digue dressée n’est pas assez forte pour empêcher le déferlement, l’eau jaillit brusquement dans un fracas assourdissant fait de l’explosion et de la projection des pierres, et du grondement du flot qui, libéré, s’échappe, bouillonne et se rue dans un élan irrésistible entraînant dans son tourbillon puissant tout ce qui s’oppose à sa force. Même l’homme fort ne peut résister à l’impétuosité des éléments déchaînés.

Toi, tu construis ta digue pierre par pierre, heure après heure, en entassant pour ce faire tes objections, tes craintes, tes questions, tes angoisses et pourtant, après ce travail, tu te sers du ciment de l’espoir, de la tendresse confuse mais palpable, des émotions ressenties, des élans de ton être pour sceller, renforcer et tenir.

Sache que l’eau est plus forte que le ciment, car même si les mois et les années passent avec la résistance solide, le moment vient toujours où la digue la mieux élevée et la mieux faite se fendille sous les coups de boutoir du flot grondant, se fendille, se fissure, s’entrouvre, s’ouvre, explose...

Nul ne résiste à l’assaut venu du fond de l’âme et l’être doit toujours s’incliner.

Raphaël Archange
médium : marcelle olivério
extrait du livre Ephphata