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L'entrée
du Spiritisme en France se fit pourtant sans la moindre
solennité. On s'amusa beaucoup des tables qui tournaient,
des coups frappés qui donnaient des réponses
à des questions.
On s'en amusa d'autant plus qu'on ignorait le détail
de ce qui s'était passé à l'étranger
et sans soupçonner que sous ces jeux de société
se cachait la plus importante révélation qui
ait été faite au Monde.
Lorsque, pendant l'engouement des tables tournantes, quelques
esprits plus sérieux que les autres, plus investigateurs,
plus désireux d'approfondir toutes les choses, remarquèrent
certaines particularités qui leur firent supposer
que ce phénomène troublant, objet de leurs
études, devait être dirigé par une force
intelligente, ils voulurent éclaircir leurs doutes,
et s'appliquèrent à conduire leurs expériences
de telle manière que l'intelligence en question,
si elle existait, fût amenée à dévoiler
sa présence.
Cette intelligence pourrait-elle répondre à
leurs injonctions ?
Ils essayèrent donc de commander à la table
de se lever sur un pied puis sur un autre, de se pencher
à droite, à gauche, en avant, en arrière,
et ils durent se rendre à l'évidence : dans
la plupart des cas, la table obéissait.
Alors, pour s'assurer que les mouvements n'étaient
pas exécutés grâce à la complicité
de personnes participant à ces expériences,
quelques-unes des expérimentateurs eurent l'idée
d'adresser mentalement, sans aviser les autres participants
de leurs intentions, leurs demandes ou leurs ordres à
la table.
Le résultat fut le même et la table, ou plutôt
l'intelligence qui la gouvernait, accéda à
ces demandes.
Ce premier résultat obtenu, constaté et confirmé
par de nombreux essais, on fit un pas de plus ; on essaya
alors d'établir certains signes conventionnels qui,
facilitant le dialogue, permettraient à cette force
invisible mais intelligente, de répondre par "oui"
ou par "non" -au moyen de la table, bien sûr-
aux questions qui lui seraient posées, et dès
ce moment on ne douta plus que la table ne fût que
l'instrument utilisé par une intelligence invisible
pour se communiquer aux hommes. Fort de ce constat, on eut
d'autres exigences ; on demanda à "l'Invisible"
de soulever la table et de la laisser retomber pour répondre
affirmativement, et de répéter deux fois le
mouvement pour une réponse négative.
On renouvelait, sans le savoir, le code établi par
les surs Fox : un coup pour oui, deux coups pour non.
Le dialogue pouvait commencer.
On prépara donc une longue liste de questions qui
furent posées dès les premières séances
qui suivirent.
La force invisible écartait certaines de ces questions,
répondait aux autres ou gardait le silence sur les
questions oiseuses ou complexes.
On apprit ainsi que les intelligences qui se manifestaient
étaient des Esprits qui avaient animé des
corps humains sur la Terre, qu'ils étaient libres,
qu'ils étaient responsables de leurs actions, que
certains étaient heureux, d'autres malheureux, suivant
leurs actions bonnes ou mauvaises.
Lors de ces contacts avec ces Esprits frappeurs, on fut
étonné de l'à-propos et de l'esprit
de suite qui présidaient à leurs réponses
sommaires. Par un "oui" ou par un "non"
frappés avec plus ou moins d'énergie, par
le silence gardé parfois d'une manière significative,
ces interlocuteurs invisibles donnèrent d'eux, à
ceux qui les interrogeaient, une opinion de plus en plus
favorable, leur inspirant un désir croissant de trouver
des moyens moins élémentaires et plus complets
de conversation.
C'est alors qu'on imagina les alphabets où la table
frappait un coup pour "A", deux coups pour "B",
trois coups pour "C", et ainsi de suite ; mais
ce procédé était-il fiable ?
On le perfectionna en appelant successivement les lettres
de l'alphabet pendant que la table frappait des coups correspondants
; on notait alors la lettre sur laquelle la table s'arrêtait.
A partir de ce moment, les Esprits eurent un moyen lent
mais sûr, de transmettre leurs pensées à
leurs évocateurs. Des conversations régulières
s'établirent, des révélations de toute
nature furent faites, et l'on put étudier le monde
nouveau qui se manifestait.
Des petits groupes s'organisèrent, composés
d'un ou de deux médiums et de plusieurs évocateurs,
et dans tous ces groupes, on interrogea les Esprits, et
l'on reçut d'eux des réponses plus ou moins
développées sur toutes sortes de questions.
On voulut bien sûr, d'abord savoir qui ils étaient,
mais, ô surprise ! en répondant ils apprirent
à leurs évocateurs qui ils étaient
eux-mêmes.
Ils apprirent ainsi aux hommes sur leur propre destinée,
des choses qu'il leur importait beaucoup de connaître.
Ils leur dirent d'où ils venaient, où ils
allaient, quel avait été leur passé
et quel serait leur avenir. Ils leur révélèrent
des choses d'une importance capitale touchant la pluralité
des existences de l'homme, et la pluralité infinie
des mondes habités. Ils leur dirent que l'homme supportait
dans son existence présente, heureuse ou malheureuse,
les conséquences de son existence précédente,
et qu'il préparait en même temps les conditions
de son existence future. En résumé ils dirent
aux hommes qu'ils avaient tous été créés
simples et ignorants, et que c'était par leur travail,
par l'expérience chèrement acquise qu'ils
étaient devenus ce qu'ils étaient. Ils expliquèrent
les différences d'intelligence et de capacité
que l'on remarque en eux par le plus ou moins grand nombre
d'existences qu'ils avaient eu, et posèrent en principe
la loi du progrès par la multiplicité des
existences.
Ils expliquèrent également que l'homme est
le fils de ses uvres et qu'après avoir parcouru
tous les degrés de l'échelle, après
avoir été un sauvage à peine distinct
de la brute, il arrivera par ses efforts et après
une longue suite de siècles, à l'état
d'Esprit supérieur, de pur Esprit.
Le jeu continuant, on vit des formes vaporeuses se matérialiser
; des communications obtenues par les tables et, plus tard,
par l'écriture, confirmèrent que ces phénomènes
étaient dûs à des Esprits qui avaient
vécu sur la Terre.
Ces investigations -qui étaient plus alors un divertissement
à la mode qu'une recherche sincère- jouirent
d'une grande vogue mais on se fatigua vite de ces expériences
qui étaient très mal vues dans certains milieux
; très mal vues et pourtant, des êtres objectifs
reconnaissaient que grâce à ces tables tournantes
on avait découvert l'espoir et la consolation puisque
les contacts établis apportaient la preuve d'une
survie de ceux que l'on pleurait, qui vivaient ailleurs
dans un Plan inconnu et insoupçonné, comme
ils reconnaissaient la grande valeur des messages de moralité
et de spiritualité obtenus. On commença à
comprendre que la découverte des lois de cause à
effets pouvait permettre à beaucoup d'établir
leur foi.
Une chose très importante avait été
mise en lumière pendant cette première période
d'étude : c'est que les Esprits qui se manifestaient
étaient loin d'avoir tous le même niveau intellectuel
et moral. Les uns parlaient comme des philosophes instruits,
les autres comme des ignorants. Les paroles de quelques-uns
reflétaient la beauté morale, tandis que les
paroles de quelques autres ne pouvaient venir que d'Esprits
légers, parfois menteurs ou grossiers ; on ne pouvait,
logiquement, croire qu'un seul et même Esprit put
se montrer tour à tour sous des caractères
aussi différents.
On fut donc amené à reconnaître que
le Monde des Esprits était composé d'une manière
à peu près identique à la société
humaine, et qu'on y trouvait, à côté
des plus sublimes élévations morales, toutes
les grossièretés et tous les vices. On se
rendit compte qu'il y avait, comme sur la Terre, des gens
sincères et des menteurs ; c'était un premier
indice qui venait entériner ce qu'avaient dit les
Esprits sur la destinée des hommes.
Mais il en sortit un enseignement de plus grande importance
: on ne pouvait accepter sans contrôle tout ce qui
venait de ce monde nouvellement découvert, et que,
pour savoir à qui l'on avait à faire, il fallait
passer toutes les paroles au crible de la logique et de
la raison, au crible de la conscience, et rejeter impitoyablement
tout ce qui ne sortait pas victorieusement de ce sévère
examen.
Mais s'il est vrai qu'il y eut des messages de valeur, il
faut aussi reconnaître qu'à côté
de cela il y eut souvent un fatras d'incohérences
et de niaiseries, car dans ce temps comme de nos jours d'ailleurs,
trop d'ignorants, trop d'inconscients, trop d'orgueilleux,
ont plongé inconsidérément dans ces
rapports avec un monde invisible en apportant avec eux un
esprit de curiosité souvent malsaine, en considérant
simplement cette démarche comme un amusement grisant.
Ce faisant, la valeur des messages ainsi obtenus étant
en relation avec la pureté des intentions, la valeur
morale et l'élévation spirituelle des intervenants,
un travail semblable, dénué de sérieux,
jeta souvent, et jette encore trop souvent, le discrédit
sur l'ensemble du Spiritisme.
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