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L'abbé - La destinée suprême
de l'ange consiste dans la vision intuitive, la possession
permanente de Dieu, et la béatitude éternelle
qui en résulte.
Dieu lui a dit : Maintenant, achève-toi, conquiers
ta gloire et sois le fils de tes uvres. Voilà
ma loi, la religion que tu observeras et les devoirs que
tu as à remplir. Ton sort éternel est entre
tes mains ;
tu es libre.
Je couronnerai ta fidélité ou je châtierai
ton ingratitude et ton audace, selon que tu l'auras mérité.
Léon - Rien de plus juste. Etre libre,
l'ange devait aussi se voir pour un temps, soumis à
l'épreuve. Il fallait qu'il usât de sa liberté
pour adhérer à Dieu, son principe et sa fin.
Il fallait qu'il observât fidèlement la religion
que son Créateur a dû lui imposer
Arthur - Quelle a été cette
religion ?
L'abbé - Les anges, avons-nous dit,
ont été appelés, dès le moment
de la création, à former une seule société
et une même Eglise. D'autre part, Jésus-Christ
a été éternellement prédestiné
pour être le chef des anges, comme le chef des Hommes.
Il est donc naturel de penser que la religion des anges
ainsi que celle des Hommes devait être telle, qu'elle
les ramenait au Christ, comme au chef divin auquel ils étaient
soumis. « La grâce par Jésus-Christ »
disait saint Paul. C'est du Christ que tout arrive, par
lui et en lui, que l'on obtient tout. C'est donc par la
médiation du Christ que les anges pouvaient recevoir
et la grâce, et la gloire.
Appelés à servir sous ses ordres, ils ont
dû accepter les ministères qu'ils devaient
remplir, et se soumettre à l'obéissance envers
leur monarque.
Mais, comme les anges ne peuvent pas naturellement, ainsi
que nous l'avons vu, avoir la connaissance des mystères
de l'ordre surnaturel, il était nécessaire
que l'incarnation du Verbe divin leur fût révélée
: sans quoi, ils n'auraient pu connaître le Christ,
ni se rapporter à lui comme à leur chef, leur
médiateur, l'auteur de leur grâce, par qui
ils méritaient leur glorification.
Saint Thomas enseigne également, que l'incarnation
future du Fils de Dieu a été, dès le
commencement, révélée aux Esprits angéliques.
Remarquez ces paroles de saint Thomas : « Dès
le commencement, tous les anges ont été instruits
d'une manière générale, de l'incarnation,
c'est-à-dire, que Dieu leur a révélé
à tous que le Verbe se ferait chair un jour, qu'il
était chef de l'Eglise, celui qu'ils devaient adorer
et servir
Quant aux détails et aux particularités
de ce mystère, tous les anges ne les ont pas ainsi
connus dès le commencement. Il y a même certaines
particularités que les anges supérieurs n'ont
apprises que par la suite des temps. »
Ces Esprits immortels savaient donc que le Verbe divin se
revêtirait un jour, de notre humanité. Par
ces paroles, nous devons entendre le désir que Dieu
avait eu, de toute éternité, d'unir la nature
divine à la nature humaine : désir qu'il communiqua
aux anges et aux Hommes.
Bail dit aussi de son côté : « Outre
la grâce sanctifiante et les vertus infuses que Dieu
donna aux anges à l'instant de leur création,
il leur fit encore plusieurs révélations,
et leur donna plusieurs lumières surnaturelles pour
bien commencer à le servir.
Il leur révéla que plusieurs d'entre eux devaient
assister les Hommes, quand ils seraient créés
sur la Terre ; il leur déclara toutes ses volontés
et leur donna l'ordre de se consacrer à son service
pendant leur temps d'épreuves
La raison véritable de tout ceci est que les anges,
dès cet instant, étaient destinés à
servir Dieu.
Il leur a imposé un mystère à croire
et des devoirs à remplir : la foi au Christ, l'espérance
en la médiation du Christ, auteur de la grâce
et de la gloire, pour eux comme pour nous ; l'amour d'un
Christ, chef divin d'une Eglise qu'ils devaient composer.
Léon - Les préceptes imposés
aux anges n'étaient donc pas trop durs ; se seraient-ils
donc trouvés parmi eux des Esprits assez insensés
pour refuser, au Christ, leur foi, leur amour, l'hommage
de leurs adorations et de leur obéissance ?
L'abbé - Le plus grand nombre, on le
croit du moins, est resté fidèle.
« A la lumière de cette révélation,
dit le P. Ventura, dans ses savantes "Conférences",
les anges ayant connu d'avance le grand mystère du
Verbe devant, dans la plénitude des temps, s'unir
à la nature humaine et se faire homme
ils y
soumirent leur entendement et l'adorèrent ; ils placèrent,
dans ses mérites, toute leur confiance et leur amour,
et par cette foi, cette espérance et cet amour, ils
furent confirmés dans la grâce et furent admis
à la vision béatifique de Dieu. Ce qui a fait
dire à saint Bernard que le même Jésus-Christ,
qui a été le sauveur de l'Homme, a été
aussi le sauveur des anges
»
Les anges qui ont ainsi persévéré dans
l'amour sont les bons anges. Ils ont par là, mérité
leur béatitude.
Mais il n'en a pas été ainsi de tous. Des
prévaricateurs se sont trouvés dans leurs
rangs, et une partie de ces Esprits sublimes est tombée
du Ciel. Il y a eu des pécheurs parmi les anges
Arthur - Quel a pu être leur péché
?
L'abbé - D'après saint Bernard,
l'abbé Rupert et, si je ne me trompe pas, saint Jean
Chrysostôme, la révélation de l'incarnation
aurait été l'occasion de la chute des anges.
A cette manifestation, que le fils de Dieu devait s'incarner,
l'un des Esprits célestes a senti naître, dans
son cur, un secret sentiment d'ambition et d'envie
Ne comprimant pas ces premiers mouvements de l'orgueil,
il en est venu à convoiter, d'une volonté
positive, l'honneur fait au Christ, à lui envier
son élévation et enfin, à s'opposer
résolument en adversaire de l'Homme-Dieu. Il aurait
dit à ses compagnons : « Pouvons-nous nous
abaisser devant une créature inférieure à
la nôtre, servir un homme comme notre souverain et
l'adorer comme notre Dieu ? Pour moi, je n'obéirai
pas, je ne servirai pas ce Christ. »
Ebranlés par cet Esprit, et s'inspirant de ses sentiments,
une partie des anges l'ont suivi dans sa défection,
et sont passés, dès ce moment, sous les étendards
de ce prince des rebelles.
Le célèbre Suarez adopte cette opinion comme
probable. Et, en effet, elle est fort vraisemblable ; elle
explique très bien comment l'ange déchu aurait
conçu le désir de devenir semblable à
Dieu, selon ces paroles : « Je monterai au Ciel
et je serai semblable au Très-Haut. » [Isaïe]
Elle explique très bien encore cette parole du Fils
de Dieu qui a dit de Satan : « Il n'est pas demeuré
dans la vérité
» car il n'est
pas resté uni au Christ dans lequel il avait été
primitivement établi par le don de la grâce
; et le Christ, c'est la vérité, comme il
le dit lui-même : « Je suis la Voie, la Vérité
et la Vie
» Elle explique enfin cette autre
parole de Jésus : « Il (Satan) est homicide
dès le commencement » puisque, dès le
moment où il a connu l'incarnation future du Verbe,
il s'y est opposé
par envie, et a conçu
le dessein de détruire l'humanité et le Christ
lui-même
Selon quelques docteurs, écrit Bail, qui cite entre
autre Harphius, « le péché des anges
se commit au sujet de l'incarnation qui leur fut révélée.
Car Lucifer, plein d'orgueil, entendant que le Fils de Dieu
s'incarnerait, s'unirait à l'humanité, et
qu'elle aurait la première place de la gloire éternelle
-qui s'appelle : la droite de Dieu- il en fut envieux et
désira ambitieusement cette excellence pour lui-même.
C'est pourquoi, par un funeste attentat, il prit la résolution
de ne jamais porter respect ni honneur à cette humanité,
et fit entrer plusieurs anges dans cette orgueilleuse révolte,
par la considération de leur propre beauté
et de leur excellence au-dessus de toute la nature humaine.
En sorte qu'ils refusèrent de révérer,
avec soumission, une personne divine incarnée.
Ensuite,
ils conspirèrent avec Lucifer, qu'ils choisirent
pour leur chef, de préférence à Jésus
qu'ils prirent, dès lors, en haine et en aversion,
craignant qu'il ne fût exalté à la droite
du Dieu. »
Quoi qu'il en soit de cette opinion, toujours est-il qu'un
certain nombre d'anges ont péché par orgueil
et par envie, et que Dieu, pour les punir, les a précipités
du Ciel
Maintenant, remarquez bien ceci : comme la volonté
de ces Esprits vigoureux, quand elle prend une détermination,
s'y arrête avec force et pour toujours, ils se sont
dès lors, irrévocablement fixés dans
la résolution, bien décidée, de faire
au Christ, une guerre incessante
de s'opposer
à son règne, de ruiner ses uvres et
d'obtenir
par les moyens dont ils peuvent disposer
Une fois condamnés en raison de cette superbe et
injuste prétention, une haine inextinguible contre
Dieu et contre son Christ, une envie furieuse contre l'Homme
ont commencé à dévorer ces curs
pervers
Il y a aussi des anges méchants : ce sont les démons
Arthur - Mais qu'est-ce qui nous assure qu'il
y a eu des prévaricateurs parmi les anges, et qu'il
existe des démons ?
L'abbé - Le Fils de Dieu lui-même,
a daigné nous l'apprendre pour notre instruction.
Un jour que les Juifs avaient conçu des pensées
homicides à son égard, il leur dit : «
Vous êtes les Fils du diable, et vous voulez accomplir
les désirs de votre père. Il était
homicide dès le commencement, et il ne s'est pas
tenu dans la vérité
[d'après
Jean]
Léon - Ces paroles sont dignes d'attention
: elles prouvent bien ce que vous nous disiez tout à
l'heure, que Satan a conçu de bonne heure le dessein
de détruire Jésus.
Arthur - Tous ceux qui font la guerre au Christ
sont donc aussi, comme les Juifs, les fils du diable ? Ils
cherchent à accomplir les desseins de leur père
qui est le père du mensonge, et le servent dans ses
projets !
L'abbé - Continuons : « Voilà,
est-il écrit dans le livre de Job, ceux qui le servent
ne persévèrent pas, et il a trouvé
de la dépravation dans ses anges
[Job]
Ecoutez encore l'apôtre saint Jean : « Et il
se fit au Ciel un grand combat : Michel et ses anges combattaient
contre le dragon, et le dragon combattait avec ses anges.
Et ce grand dragon -appelé le diable et Satan- qui
séduit toute la terre habitable, fut précipité
en terre, et ses anges avec lui
Malheur à la
terre et à la mer, parce que le diable est descendu
vers vous frémissant d'une grande colère,
sachant qu'il lui reste peu de temps. »
Sur quoi Bossuet s'écrie : « Malheur à
tout l'univers et à toute l'humanité ! [
]
A cause que le démon déchargera sur elle cette
grande colère dont il est plein, ceux dans lesquels
il opère et dont il fait les instruments de sa fureur,
sont dans un état, sans comparaison, plus déplorable,
puisqu'il n'y a rien, en toutes manières, de plus
malheureux que de haïr la vérité, et
de travailler, comme ils le font, avec le démon,
à l'étendre dans le monde
Par conséquent, malheur à eux et malheur à
la terre et à la mer
»
Léon - Ces paroles de Bossuet font
trembler. Je ne voudrais pas servir d'instrument au démon
L'abbé - Vous ne le regardez plus comme
un personnage fictif ?
Léon - Comment pourrais-je encore nier
l'existence des démons, quand je vois ce combat entre
les anges : Michel, à la tête de l'un et Satan
à la tête de l'autre, les factieux avec leur
prince appelé, le diable, chassé du Ciel et
précipité sur la Terre, tout frémissant
de rage
L'abbé - Est-il possible, mes amis,
que des chrétiens en soient arrivés, de nos
jours, à ce degré d'oubli, qu'ils ne croient
plus à l'existence des démons ? Il en est
ainsi cependant
Quelle facilité ils donnent
par là à ces Esprits méchants de les
jeter dans toutes sortes d'erreurs et de folies !
Mais revenons à notre sujet. Vous avez déjà
entendu le Fils de Dieu nous parler de Satan comme d'un
Esprit méchant, plein de mensonges et de pensées
de destruction ; « Et il dira à ceux qui seront
à sa gauche : Retirez-vous de moi, maudits, dans
le feu éternel, qui a été préparé
pour le diable et ses anges
» [d'après
Mathieu]
Tout ceci indique avec la dernière évidence,
qu'il s'agit bien d'êtres réels. Lisez avec
attention l'Evangile, et vous verrez le nom des démons
écrit à chaque page de ce livre divin ; vous
y verrez le sauveur Jésus guérissant les démoniaques,
chassant les Esprits méchants, et exerçant
sur eux un empire absolu.
Déjà, dans l'Ancien Testament, Dieu avait
daigné révéler aux Hommes, l'histoire
de ces intelligences perdues. Il fallait bien que nous fussions
instruits de la malice de nos ennemis, et des pièges
qu'ils dressent sous nos pas
C'est sur cet enseignement, venu d'en haut, que repose la
croyance aux Esprits méchants. Vous voyez qu'elle
est assise sur un fondement inébranlable
« Nous n'avons pas à combattre contre la chair
et le sang, mais contre les princes et les puissances, contre
les guides de ce monde de ténèbres, contre
les Esprits de malice répandus dans l'air
»
Les saints Pères, gardiens et canaux de la tradition,
nous transmettent la même doctrine avec un accord
imposant : « Comme tous les docteurs de l'Eglise enseignent
-conformément à l'Ecriture- l'existence des
bons anges, de même, tous admettent sans hésitation,
l'existence des mauvais Esprits, clairement enseignée
aussi dans les livres saints. L'Ecriture établit,
et ils établissent après elle, entre ces Esprits
déchus, une différence fondée sur la
mesure de leur bonté première et de leur méchanceté
actuelle
» [Klée]
Il n'est effectivement pas un Père qui n'ait parlé
-et longuement- de la malice des démons.
Sur ces paroles de la Genèse : Dieu sépara
la Lumière des Ténèbres : « On
ne saurait toutefois nous blâmer de les avoir interprétées
des deux sociétés des anges : l'une qui jouit
de Dieu, et l'autre qui est enflée d'orgueil
L'une tranquille et remplie d'une pitié éclairée,
l'autre turbulente et agitée de convoitises aveugles
l'une qui secourt avec bonté et punit avec justice
selon le bon plaisir de Dieu, et l'autre à qui son
orgueil inspire une passion furieuse de nuire et de dominer
»
Entendez encore Bossuet. Il faudrait lire en entier -et
je vous y engage- son magnifique discours sur les démons,
car tout y est grand, élevé, solide et fortement
pensé. Je ne vous en citerai que quelques lignes
:
« Qu'il y ait, dans le monde, un certain genre d'Esprits
malfaisants que nous appelons des démons, outre le
témoignage des Ecritures, c'est une chose qui a été
reconnue par le consentement commun de toutes les nations
et de tous les peuples. Ce qui les a portés à
cette créance, ce sont certains effets extraordinaires
et prodigieux qui ne pouvaient être rapportés
qu'à quelque mauvais principe et à quelque
vertu secrète dont l'opération fut maligne
et pernicieuse. Les histoires grecques et romaines nous
parlent, en divers endroits, de voix inopinément
entendues, et de plusieurs apparitions funèbres arrivées
à des personnages très graves, et dans des
circonstances très assurées ; et cela se confirme
encore par cette noire science de la magie à laquelle
plusieurs personnes trop curieuses se sont adonnées
sur toutes les parties de la Terre
»
[
]
Si bien que les sectateurs de Platon et de Pythagore qui,
du consentement commun de tout le monde, sont ceux qui,
de tous les philosophes, ont eu les connaissances les plus
relevées, et qui ont recherché plus curieusement
les choses surnaturelles, ont assuré comme une vérité
très constante qu'il y avait des démons, des
Esprits d'un naturel obscur et malicieux. »
Arthur - Les païens aussi admettaient
l'existence des démons !
L'abbé - Bossuet vient de nous le dire,
et nous pourrions nous contenter du témoignage de
ce grand homme. Cependant, il ne sera peut-être pas
tout-à-fait inutile, de vous montrer partout répandue,
chez les peuples anciens comme chez les peuples modernes,
la croyance aux Esprits malfaisants
« Les Perses croyaient à l'existence d'une
infinité d'Esprits bons et mauvais. Ils appellent
les premiers "Ferouers" et les autres "Dews".
Les combats d'Ormuzd et d'Ahriman, si célèbres
chez les Perses, ne sont qu'un souvenir de la lutte des
anges fidèles avec les anges révoltés.
»
« Platon parle d'un prince d'une nature malfaisante,
préposé à ces Esprits chassés
par les dieux, et tombés du Ciel, dit Plutarque
»
« La chute des mauvais anges se trouve dans la mythologie
païenne
»
« Les Chaldéens admettaient des dieux malfaisants
D'après les Egyptiens, Typhon, ayant par envie et
par malice, jeté la perturbation partout, amena sur
la Terre, des maux en tout genre. Fourbe et méchant,
il s'attache à obscurcir la doctrine
»
Qui ne reconnaît pas Satan dans ce Typhon d'Egypte
?
Dans la mythologie des Perses, vous voyez Ahriman comme
le maître de la mauvaise foi, qui tourmente le genre
humain jusqu'à la fin des siècles
«
Ahriman était le premier des anges ; il a été
maudit pour avoir désobéi
» [L'Eulma-Eslam]
Ahriman, sous la forme d'une couleuvre, sauta sur la Terre.
Il bouleversa tout ce qui était dans le monde
[Zend-Avesta]
Les Chinois ont également conservé la tradition
de l'existence des mauvais anges
[Martini - Histoire
de la Chine]
Tchi-Yeou, ancien fils du Ciel, est le diable ? Il se mit
à la tête des mauvais génies. C'est
le premier de tous les rebelles. La rébellion se
répandit sur tous les peuples qui apprirent à
commettre toute sorte de crimes. C'est à Tchi-Yeou
que l'on attribue l'origine des révoltes, des erreurs,
des fraudes et des tromperies
[Livres chinois - Histoire
ancienne]
Selon les croyances des Indiens, des chefs de légions
angéliques, oubliant le bonheur de leur création
et les devoirs de perfection que l'Eternel leur avait gracieusement
accordés, firent le mal devant l'Eternel. Ils s'éloignèrent
de l'obéissance qu'ils lui devaient. Ils dirent en
eux-mêmes : Nous voulons gouverner. Ils trompèrent
d'autres anges et corrompirent la fidélité
de plusieurs.
L'Eternel commanda de les chasser du Ciel
La même croyance se retrouve chez les Tartares
Les Tibétains croient que chaque Homme a, dès
sa naissance, deux Esprits attachés à sa personne,
un bon et un mauvais. [Georgi]
Les Grecs admettaient également l'existence des mauvais
génies
Enfin, les Celtes, les Scandinaves, les Mexicains, les "sauvages"
et, pour tout dire, en un mot, le genre humain tout entier
a toujours cru à l'existence des démons
Arthur - Socrate avait avec lui un démon
familier ! N'ai-je pas lu quelque part, que Luther avait
aussi son démon ?
L'abbé - Votre mémoire n'est
pas en défaut, Arthur. Luther lui-même avoue
qu'il a eu des entretiens avec Satan, et voici comment il
nous rend compte de ses conversations avec ce docteur de
mensonges :
« Il m'arriva, une fois, de m'éveiller tout
d'un coup sur le minuit, et Satan commença à
disputer avec moi
» Puis il raconte son entretien
; après quoi il ajoute : « Je vois d'ici les
saints Pères qui rient de moi et s'écrient
: Quoi ! c'est là ce docteur célèbre
qui est demeuré court et n'a pas répondu au
diable ? Ne vois-tu pas, docteur, que le diable est un Esprit
de mensonge ? Certes, s'il vous fallait souffrir les rudes
assauts de Satan et disputer avec lui, vous ne parleriez
pas comme vous le faites
car le diable est un rude
jouteur, et il vous presse si violemment qu'il n'est pas
possible de lui résister sans un don particulier
du Seigneur. » [Audin - Histoire de Luther]
Léon - Les païens, il est vrai,
parlent souvent des démons
L'abbé - Saint Augustin va nous le
dire : « nous voyons bien par l'Ecriture, qu'il y
a de bons et de mauvais anges
mais nous ne voyons
point qu'elle parle de bons démons. En quelque endroit
de ce livre, ce mot de démon n'est employé
que pour signifier les malins Esprits
[Cité
de Dieu]
Voici Bayle, le sceptique Bayle, qui nous dit, en parlant
des espaces immenses du Ciel : « Nous ne savons ce
qui s'y passe ; mais si nous ne consultons que la raison,
il nous faudra croire qu'il est très probable, ou
du moins très possible, qu'il s'y trouve des êtres
pensants qui étendent leur empire, aussi bien que
leurs lumières sur notre monde
Et comme on
ne peut nier qu'il n'y ait (sur la Terre) des êtres
méchants, envieux, vindicatifs qui se divertissent
du mal d'autrui, on se rendra ridicule si l'on ose nier
qu'outre ces êtres méchants, qui sont l'objet
de nos yeux, il n'y en ait plusieurs autres qu'on ne voit
pas, et qui sont encore plus malins et plus habiles que
l'Homme
»
Qu'en dites-vous, mes amis ? Voilà un esprit fort
qui ne peut s'empêcher d'avouer que, aux yeux de la
raison, l'existence d'Esprits malins invisibles et supérieurs
à l'Homme est possible et même probable ; que
ces êtres méchants étendent leur empire
jusque sur nous, et qu'ils peuvent produire des changements
étranges dans la nature. Bien sûr, oser nier
ces choses, selon Bayle, c'est se rendre ridicule
Arthur - Qu'il y ait des démons, c'est
incontestable. Pour le nier, il faut rejeter l'Evangile,
et traiter de fou le genre humain tout entier. Mais comment
d'anges qu'ils étaient, ont-ils pu devenir des Esprits
pervers ?
L'abbé - Isaïe se disait déjà
: « Comment es-tu tombé du Ciel, Lucifer, toi
qui te levais dès le matin du monde, et paraissais
avant tous les autres, qui disais dans ton cur : je
serai semblable au Très-Haut ?
Nous l'avons vu : les mauvais anges sont tombés parce
qu'ils n'ont pas voulu adhérer au Christ
Leur péché est le fait de leur volonté
ils se sont faits mauvais par eux-mêmes. « Il
n'est pas permis de douter, dit saint Augustin, que les
inclinations contraires des bons et des mauvais anges ne
proviennent de leur volonté, et non de leur nature.
» [Cité de Dieu]
« Rien ne fait la volonté mauvaise, puisque
c'est elle qui fait ce qui est mauvais. » Que cette
pensée de saint Augustin est profonde ! Que personne
ne cherche la cause efficiente de la volonté mauvaise,
dit saint Augustin ; la cause de la mauvaise volonté
est une cause défaillante. « Je sais encore
que la mauvaise volonté n'est en celui en qui elle
est, que parce qu'il le veut bien ; et qu'ainsi on punit
justement une défaillance qui est entièrement
volontaire
»
Voilà, mes amis, ce que l'on peut dire sur la cause
de la mauvaise volonté des anges rebelles : c'est
une cause défaillante
Ces Esprits pervers se
sont retirés de la source de tout être, de
toute bonté, de toute vie et de toute béatitude
; et alors, l'iniquité s'est trouvée en eux,
et avec l'iniquité, la souffrance qui l'accompagne
toujours.
Arthur - Cette défection d'une partie
des anges a dû amener des modifications profondes
dans leur état ; quel est l'Etat actuel de ces Esprits
dévoyés ?
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