Louis-Marie
Grignion de Montfort…

 

 

Des hérétiques, furieux des conversions qui se multiplient, décident de supprimer le saint prédicateur. Ils s'arrangent pour verser du poison dans un bouillon qu'il doit prendre. S'en étant aperçu aussitôt, Montfort put y remédier, mais cela le laissa malade et hâta certainement sa mort.
Il n'a pas encore 40 ans. Quelle vie bien remplie ! Il ne s'appartient jamais, tout donné qu'il est au Seigneur et à sa tâche apostolique.
Mais aussi, quelle moisson d'âmes !
C'est encore à lui qu'on demande d'aller évangéliser l'île d'Yeu. Personne, en effet, ne veut y aller, car les pirates croisent sans cesse dans les parages.
Naturellement, il accepte aussitôt. On le prévient que les hérétiques ont soudoyé l'équipage d'un bateau corsaire. Et tous les matelots du port, ayant eu vent de la chose, refusent d'abord de prendre la mer pour le conduire à l'île.
Enfin, il trouve un patron qui accepte. Voilà nos gens embarqués. Tous, marins et missionnaires sont inquiets, hormis Louis-Marie.
A trois lieues en mer, on voit arriver à toutes voiles, deux vaisseaux corsaires.
– « Nous sommes pris, » s'écrièrent les occupants de la chaloupe, tandis que Montfort, qui chante sans arrêt, les encourage à faire comme lui. N'obtenant rien -ils ont trop peur pour pouvoir chanter- le Père commence la récitation du chapelet, tout en déclarant avec assurance :
– « Nous sommes hors de danger ! »
– « Mais l'ennemi fond sur nous ! Nous sommes perdus… »
– « Ayez la foi, les vents vont changer. »
Ce qui arriva aussitôt. Incapables d'avancer davantage dans leur direction, les deux vaisseaux corsaires durent se résigner à s'éloigner de leur proie.
C'est de bon cœur, cette fois, que tous les compagnons de voyage du Père chantent avec lui le Magnificat.
La mission de l'île d'Yeu réussit magnifiquement. Et la croix que l'on nomme encore : « le Calvaire du Père de Montfort » en rappelle toujours le souvenir.
A La Rochelle, dans un ermitage que lui a donné une bonne dame, il écrit un livre admirable, le « Traité de la Vraie Dévotion à la Sainte Vierge ».
Tout enfant, Louis-Marie rassemblait déjà autour de lui ces petits camarades pour les enseigner. Séminariste, puis missionnaire, il a toujours continué à s'occuper spécialement des enfants.
Dès qu'il est aidé par un ou deux Frères, il les forme à cet apostolat par l'instruction si nécessaire à cette époque où les enfants des pauvres étaient souvent laissés dans l'ignorance.

Ce souci de l'instruction poursuivait bien des apôtres. Plusieurs Instituts se fondaient dans ce but, comme celui des Frères des Ecoles Chrétiennes. L'ami fidèle de Montfort, M. Blain, devenu Chanoine de Rouen, se dévouait à son côté, à cette cause.
Louis-Marie créait donc, dans les villages où il le pouvait, des « petites écoles ».
A La Rochelle, l'évêque, heureux d'un projet de cet ordre, lui offre une maison pour le réaliser. Elle est bien délabrée, mais Louis-Marie à de la vaillance à en revendre : en 8 jours, l'école est prête.

Trois Frères et un prêtre en sont chargés, et les élèves affluent. Il appelle alors Sœur Marie-Louise à La Rochelle pour lui confier, de même, les petites filles à instruire.
Le Missionnaire a maintenant un petit groupe de Frères avec lui. Les Filles de la Sagesse vont se développer aussi. Mais il n'a pas encore rencontré des prêtres qui acceptent de se joindre à lui pour la Compagnie de Missionnaires dont il rêve depuis toujours. Il sent pourtant ses forces décliner ; il sait que Dieu le rappellera bientôt.

Voici René Mulot, un jeune prêtre d'une santé très déficiente, à moitié paralysé, qui vit retiré chez son frère, curé de Saint-Pompain. Il est chargé par celui-ci d'inviter le Missionnaire à prêcher.
Le fixant dans les yeux, Montfort lui dit à brûle-pourpoint :
– « Suivez-moi ! » Le malheureux se récrie :
– « Comment pourrait-il mener pareille vie, avec sa santé fragile ?
Mais Louis-Marie tient bon… et René Mulot obéit.

Louis-Marie prêche maintenant ses dernières missions dans cette région que l'on appellera plus tard, la Vendée militaire, en raison des combats qui s'y déroulèrent aux jours sombres de la révolution. Cette foi ardente, tenace, grâce à laquelle nombre de Vendéens préférèrent la mort à l'apostasie, semble bien un héritage direct du travail apostolique du grand prêtre…
Le voilà arrivé à Saint-Laurent-sur-Sèvre. Et c'est là que le bon Dieu lui a donné rendez-vous.
C'est le temps de la Passion. Louis-Marie se retire dans une grotte.

il y fait durement pénitence. Et la mission se déroule, féconde comme toujours. On annonce soudain la visite de l'évêque. Montfort s'investit pour lui préparer une belle réception. mais il est épuisé. Il ne peut même pas aller à table. C'est le 22 avril.
Le voilà cependant en chaire, miné par la fièvre ; on craint de le voir tomber. Mais non, il ira jusqu'au bout. il parle de la douceur de Jésus avec des accents qui bouleverse l'immense auditoire.
Mais c'est bien son dernier sermon. Il s'alite aussitôt après, tandis que ses compagnons continuent la mission.
il se confesse, demande les derniers sacrements, dicte son testament au Père Mulot. Ce sont de pauvres choses qu'il lègue : des livres, du matériel de mission, des petits meubles qu'il donne soit à ses Frères, soit aux prêtres qui l'ont aidé, soit aux paroisses qu'il a évangélisé.
Les gens, désolés, se succèdent dans la petite chambre, implorant une dernière bénédiction. Louis-Marie, devant le crucifix qu'il ne quitte pas, trace sur eux le signe de la croix. Sa voix monte soudain dans le silence. Il chante :
– « Allons, mes chers Amis, allons en Paradis !
Quoi qu'on gagne en ces lieux,
le Paradis vaut mieux ! » cantique qu'il a composé et si souvent fait chanter… L'heure est venue pour lui de le réaliser.
Serrant dans sa main gauche une petite statue de la sainte Vierge qu'il portait toujours sur lui, il baise tour à tour crucifix et statue… C'est ainsi qu'il meurt, en pleine mission, le 28 avril. Il avait 43 ans. Le lendemain, on l'enterrait dans la chapelle de la Sainte Vierge de l'Eglise paroissiale. Plus de 10 000 personnes pleuraient.
 
Pendant sa vie déjà, Dieu avait manifesté par des prodiges, la sainteté de son humble serviteur. Maintenant qu'il est mort, sa renommée va sans cesse grandir. Les miracles se multiplieront.
L'évêque de Poitiers lui-même qui, pourtant, avait été bien sévère envers Louis-Marie, l'invoqua et obtint la guérison de deux malades.
Les Filles de la Sagesse devinrent vite une grande communauté. Après la tempête de la révolution, qui vit plusieurs d'entre elles monter à l'échafaud en chantant un cantique de Montfort, elles se répandirent un peu partout en France.
 

Ce n'est pourtant qu'en 1888 qu'il fut béatifié, et le 20 juillet 1947 qu'il fut inscrit officiellement au catalogue des saints par le Pape Pie XII.
Sans doute fallait-il que cette canonisation eût lieu à notre époque, et fût faite par le Pape de la Consécration au Cœur Immaculé de Marie.
Nous nous trouvons ainsi entraînés par l'exemple de ce grand saint à demander avec plus d'ardeur à la sainte Vierge qu'Elle obtienne, par le retour des âmes à son Fils, la paix au monde.

Dans toutes nos paroisses, nous chantons encore nombre de cantiques qu'il a composés. Si les paroles ont quelquefois besoin d'être adaptées à notre langage d'aujourd'hui, les idées qu'il exprimait sont toujours valables : amour de Jésus et de sa croix, esprit de renoncement à tout mal et tout le message de l'Evangile. Dans toutes les œuvres du Père de Montfort, on trouve le parfum d'un amour extraordinaire pour la sainte Vierge, un amour basé sur la compréhension de son vrai rôle à notre égard : Mère et médiatrice, un amour qui entraîne une confiance sans mesure. Il attendait d'elle vraiment tout pour son ascension vers Dieu -et même pour sa vie matérielle- et jamais, bien sûr il ne fut déçu.
Saint depuis sa jeunesse, pourrait-on dire, Louis-Marie de Montfort pouvait être mis, sans retard, sur les autels et invoqué publiquement.
 
 
Louis-Marie
 
Grignion de Montfort…