Le passage…

 

  L'intervention de Liebe…

   
   



Des odeurs nauséabondes fort désagréables envahissent mes narines et me donnaient la nausée. Je constatais que mon corps devenait volumineux et commençait à se décomposer…







Devant la réalité de ma "mort", entourée de ténèbres épaisses, réalisant que mon corps se décomposait dans ce Cimetière, j'éprouvais une angoisse sans nom.







Je me rappelai alors, toute émue, le besoin immédiat de prier. Oui, la prière serait pour moi, la seule formule capable de me rendre la paix, la tranquillité. Je me souvins alors du Seigneur Jésus, l'Ami des plus petits et le Compagnon constant des malheureux. Son image victorieuse, au-delà de la Croix, revint à ma mémoire, m'apportant un certain calme revigorant. D'abord vaguement, puis avec plus de netteté, le souvenir de "l'Agneau de Dieu" me fit oublier ma souffrance en la comparant à ses souffrances sur la Croix, par amour pour tous ces Hommes, ses compagnons ingrats ! Pour la première fois, ma fille, j'approuvai une impression de tranquillité dans le fond du tombeau, près de ma dépouille charnelle.
Oh ! Qu'il est grand, après l'angoisse, le soulagement venant de la prière prononcée en toute confiance. Seuls pourront le savoir ceux qui, au dernier moment, se rendent à elle, pleins d'espoir, rompant les distances, lançant le grand pont entre le monde de douleur et le Royaume lointain des miséricordes divines…
Je n'avais pas encore terminé la prière, lorsqu'une voix douce et caressante parvint à mes oreilles, comme s'il s'agissait d'une rêve charmant. Cette voix emplit l'étrange espace d'une musicalité harmonieuse…

[…]

C'était la sœur Liebe, sans doute… Cet ange qui, tant de fois, pendant le Culte de nos prières dans le foyer domestique, nous avait invités à suivre le Maître, en nous encourageant à l'aimer au-dessus de toutes choses de la terre…







Je l'entendais parler, mais je ne pouvais pas voir son image amie. Je ne pus résister aux questions qui bouillonnaient dans mon cerveau :
– « Que faire, ma sœur chérie, dans des circonstances aussi tragiques ? Comment sortir d'ici ?… »
– « J'ai été auprès de toi tout le temps, depuis l'instant où tes angoisses ont commencé ; toutefois, tu t'attachais davantage à la plainte qu'à la foi…

[…]

Souviens-toi cependant que le chemin à suivre sera très long. Il ne faut pas oublier ce qu'à dit le Maître, selon les notes de Marc au sujet de la prière : tu sais qu'au moyen de cette dernière, l'âme qui aspire au Ciel s'imprègne de paix consolatrice et réunit des forces nécessaires au chemin ascendant.
Tant que nous sommes sur terre, nous nous égarons invariablement, dans le domaine des paroles et des formules sans véritable expression, en laissant de côté, dans le culte de la prière, le sentiment véritable et l'examen de conscience. Libérés de la chair, nous nous rendons compte que l'élan vers Dieu élargit nos horizons spirituels, favorise les échanges qui nous font baigner dans les eaux claires de la Miséricorde divine.
En priant, ne te plains pas, ne fais point de reproches ; n'émets pas d'opinions inconsidérées, ne présente pas tes nécessités… Le Seigneur qui nous connaît tous, sait aussi nos besoins et y pourvoira sans aucun doute.
Ouvre-lui le cœur avec amour et parle-lui, pleine de piété et d'espoir…







Je me revis toute petite et pauvre, sous les habits de la simplicité, près du sein protecteur de ma mère, les mains unies dans la nuit froide, répétant avec elle le "Notre Père". L'image fixée dans la pensée, avec toute la piété et tout le recueillement dont j'étais capable, je cherchai en ce moment singulier à répéter les paroles émouvantes et claires…
Les mots imprégnés d'émotion me mouillaient les yeux. Les larmes n'avaient plus alors le même goût d'agonie et de révolte…
Je suis restée les yeux fermés, à genoux comme jadis, en priant longuement, oubliant à la fin le coin infect où je me trouvais…







En ouvrant les paupières, je vis une clarté délicate qui s'étendait un peu partout autour de moi ; j'aperçus alors le visage souriant et délicat de sœur Liebe… Se dessinant de plus en plus clairement, elle paraissait enfin devant mes yeux.

[…]

Une vigueur inconnue m'emplit alors, puissante, en me ranimant bientôt fortement.
Elle me dit, d'un accent plein de confiance, en me regardant d'un air bienveillant :
– « N'aie pas peur… Viens ! Sortons d'ici… »



 

 

 
Le passage…