Quand le Ciel parle…

…le Ciel pleure

 

le prophète… Ezéchiel.

 
les prophètes dans la Bible…
   


A la différence du livre de Jérémie, celui d'Ezéchiel se présente comme un tout bien ordonné. Après une introduction [chap. 1 à 3] où le prophète reçoit de Dieu sa mission, le corps du livre se divise clairement en quatre parties :
       1.- les chap. 4 à 24 contiennent presque uniquement des reproches et des menaces contre les Israélites avant le siège de Jérusalem ;
       2.- Les chap. 25 à 32 sont des oracles contre les nations où le prophète étend la malédiction divine aux complices et aux provocateurs de la nation infidèle ;
       3.- Dans les chap. 33 à 39, pendant et après le siège, le prophète console son peuple en lui promettant un avenir meilleur ;
       4.- Il prévoit enfin, chap. 40 à 48, le statut politique et religieux de la communauté future, rétablie en Palestine.

Le livre d'Ezéchiel a eu, dans une certaine mesure, le sort des autres livres prophétiques, mais l'égalité de la forme et de la doctrine nous assure que ces disciples nous ont gardé fidèlement la pensée et, généralement, la parole même de leur maître. Leur travail rédactionnel est surtout sensible dans la dernière partie du livre dont le noyau remonte cependant à Ezéchiel lui-même…

Dans l'état actuel, Ezéchiel a exercé toute son activité parmi les exilés de Babylonie, entre 593 et 571, les dates extrêmes données par le texte. On s'est étonné que, dans ces conditions, les oracles de la première partie paraissent adressés aux habitants de Jérusalem et que parfois Ezéchiel ait l'air d'être corporellement présent dans la ville… Certains ont donc émis l'hypothèse d'un double ministère d'Ezéchiel : il serait resté en Palestine et y aurait prêché jusqu'après la ruine de Jérusalem en 587. C'est seulement alors qu'il aurait rejoint les captifs de Babylonie. Elle entraîne de sérieux remaniements du texte, elle doit admettre que, même pendant son ministère « palestinien », Ezéchiel vivait ordinairement en dehors de la ville puisqu'il y est… « transporté » et il est curieux que si Ezéchiel et Jérémie ont prêché ensemble à Jérusalem, ni l'un, ni l'autre ne fasse allusion au ministère de son confrère. Les reproches adressés aux gens de Jésuralem servaient de leçon aux exilés, et lorsque Ezéchiel paraît être dans la Ville Sainte, le texte dit explicitement qu'il y est transporté « en vision », comme il en est ramené « en vision ». L'hypothèse d'un double ministère ne garde que peu de partisans.

Quelle que soit la solution adoptée, la même grande figure se dégage du livre. Ezéchiel est un prêtre. Le Temple est sa préoccupation majeure, qu'il s'agisse du Temple présent qui est souillé par des rites impurs et que quitte la gloire de Yahvé, ou du Temple futur dont il décrit minutieusement le plan et où il voit revenir Dieu. Il a le culte de la Loi et, dans son histoire des infidélités d'Israël, le reproche d'avoir « profané les sabbats » revient comme un refrain. Il a horreur des impuretés légales et un grand souci de séparer le sacré du profane. En qualité de prêtre, il réglait des cas de droit ou de morale, mais ce prêtre est aussi un prophète d'action. Plus qu'aucun autre, il a multiplié les gestes symboliques. Il mime le siège de Jérusalem, le départ des émigrants, le roi de Babylone à la croisée des chemins, l'union de Juda et d'Israël. Jusque dans les épreuves personnelles que Dieu lui envoie, il est un « signe » pour Israël comme avaient été Osée, Isaïe et Jérémie. Mais la complexité de ses actions symboliques contraste avec la simplicité des gestes de ses prédécesseurs.

Ezéchiel est surtout un visionnaire. Son livre ne contient que quatre visions proprement dites, mais elles occupent une place considérable : elles ouvrent un monde fantastique. L'art d'Ezéchiel vaut par ses dimensions et son relief qui créent comme une atmosphère d'horreur sacrée devant le mystère de Dieu. On voit que, si par bien des traits, Ezéchiel se relie à ses prédécesseurs, il ouvre néanmoins une voie nouvelle, et cela est vrai aussi de sa doctrine. Ezéchiel rompt avec le passé de sa nation. Le souvenir des promesses faites aux Pères et de l'Alliance conclue au Sinaï apparaît sporadiquement mais, si Dieu a sauvé jusqu'ici son peuple souillé dès sa naissance, ce n'est pas pour accomplir des promesses, c'est pour défendre l'honneur de son nom ; ce n'est pas en récompense d'un « retour » du peuple vers lui, c'est par une bienveillance pure -nous dirions une grâce prévenante- et le repentir viendra après. Le messianisme d'Ezéchiel n'est plus royal et glorieux : il annonce un futur David mais celui-ci ne sera que le « berger » de son peuple, un « prince » et non plus un roi… Il rompt avec la tradition de la solidarité dans le châtiment, et affirme le principe de la rétribution individuelle. Solution théologique provisoire qui, trop souvent contredite par les faits, conduira lentement à l'idée d'une rétribution outre-tombe. Prêtre si attaché à son Temple, il rompt comme l'avait déjà fait Jérémie avant lui, avec l'idée que Dieu est lié à son sanctuaire. En lui se marient l'esprit prophétique et l'esprit sacerdotal qui étaient restés souvent opposés : les rites -qui subsistent- sont valorisés par les sentiments qui les inspirent.
Toute la doctrine d'Ezéchiel est centrée sur le renouvellement intérieur : il faut se faire un cœur nouveau et un esprit nouveau, ou plutôt, Dieu lui-même donnera un « autre » cœur, un cœur « nouveau » et mettra dans l'homme un esprit « nouveau ». Comme pour la bienveillance divine qui prévient le repentir, on est ici au seuil de la théologie de la grâce que développeront saint Jean et saint Paul…

Cette spiritualisation de toutes les données religieuses est le grand apport d'Ezéchiel. Ezéchiel comme Jérémie, est à l'origine du courant spirituel très pur qui a traversé le Judaïsme et débouche sur le Nouveau Testament. Jésus est le Bon Pasteur qu'Ezéchiel avait annoncé et il a inauguré le culte en esprit que celui-ci avait appelé.
Par un autre de ses aspects, Ezéchiel est à l'origine du courant apocalyptique. Ses visions grandioses préludent à celles de Daniel et il n'est pas étonnant que dans l'Apocalypse de Jean on retrouve si souvent son influence…

 

 

   

 

 
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