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Introspection et méditation avant la prière
Qui donc es-tu, si ton uvre est si grande ?
- Camille Flammarion
«
Je ne sais point de prière !
Lorsque j'entre dans une église, c'est plutôt
pour méditer que pour prier. Si j'ai une faveur à
demander à Dieu, si j'ai à le remercier d'une
faveur accordée, c'est avec des paroles non pas gardées
au fond de ma mémoire, non pas empruntées
dans un livre, mais qui s'échappent de mon cur,
souvent à l'état de pensées, et sans
même se formuler par des mots, que je m'adresse à
lui.
L'état dans lequel j'entre, sans atteindre à
l'extase, s'élève au-delà du rêve.
Pareil à ces enfants qui dans un songe, croient voler,
mon âme prend des ailes et monte doucement au-dessus
de la vie réelle ; alors je m'entretiens avec Dieu,
non pas comme Moïse au Sinaï, en face du buisson
ardent et au milieu des éclairs, mais comme fait
l'oiseau qui chante, comme fait la fleur qui parfume, comme
fait l'eau qui murmure. Je ne suis plus un homme qui prie,
je suis un être qui adore. Je ne me tourne plus vers
tel ou tel point du Ciel ou de la Terre ; je dis :
« Que tu viennes du Nord ou du Midi, de l'Orient
ou de l'Occident, je sais où tu vas. Porte mon souffle
au Dieu par lequel je vis et que je bénis, pour m'avoir
mis dans le cur tant d'amour et si peu de haine. »
Et je sors, le cur calme et confiant, et cependant
plein de mélancolie ; mais cette mélancolie,
Dieu le sait, ce n'est point du doute, ce n'est point du
regret, c'est de l'humilité
Alexandre Dumas
Madame de Chamblay
Si
je prie en langues, mon esprit est en prière mais
mon intelligence est stérile.
Que faire donc ?
Je prierai avec mon esprit, mais je prierai aussi avec mon
intelligence.
Saint Paul
Je
priais !
Vous me comprendriez mal si vous croyiez que je priais les
prières écrites ou imprimées. Non,
j'improvisais je ne sais quelle langue divine que l'on ne
parle qu'à certaines heures et que l'on oublie après,
langue des puissances célestes qui se compose de
mots que l'on invente pour les dire et que l'on ne retrouve
plus après les avoir dits.
Alexandre Dumas
Ils
s'approchent de moi avec leur bouche et m'honorent avec
leurs lèvres, mais leur cur est plus éloigné
de moi.
Jésus
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On
pourrait classer la prière en deux groupes : les
prières liturgiques et les prières spontanées.
Les prières liturgiques, prières parlées
ou chantées, cérémonial servant de
lien entre les fidèles auxquels elles doivent certainement
offrir la paix, sont dites par les ministres du culte devant
l'assemblée des fidèles qui participent. Ce
sont aussi les prières répétées
dans la solitude des vies : prières du matin, du
soir etc
Prières destinées à faire faire à
l'Humain le premier pas vers Dieu.
Paroles répétées sans cesse jusqu'à
ne presque plus pouvoir en retenir le sens réel ;
mots qui se succèdent plus ou moins rapidement ;
participation souvent difficile de l'esprit qui va d'une
phrase à l'autre sans liaison ; simple mécanisme
de la mémoire ; litanies récitées par
les lèvres, machinalement, pendant que la pensée
souvent vagabonde car l'esprit, qui ne peut suivre ces mots
qui se succèdent, flotte rapidement d'une pensée
à l'autre ; pensées qui, d'ailleurs, ne sont
pas assez puissantes pour se réaliser réellement
et pleinement. Succession de phrases sans force, sans corps,
qui ne peuvent s'élever pour franchir la frange impalpable
d'un monde plein de ferveur et d'amour ; elles ne peuvent
prendre vie car elles ne peuvent être projetées
vers un but défini qu'à travers la concentration
de la pensée, le recueillement qui seuls peuvent,
par un effort de volonté, les projeter vers le but
à atteindre, leur faire prendre corps pour qu'elles
puissent agir.
« La prière, » dit le Docteur Alexis
Carrel, « représente l'effort de l'homme pour
communier avec un être invisible, créateur
de tout ce qui existe, suprême sagesse, force et beauté,
père et sauveur de chacun de nous.
Loin de consister en une simple récitation de formules,
la vraie prière représente un état
mystique où la conscience s'absorbe en Dieu. Cet
état n'est pas de nature intellectuelle. De même
que le sens du beau et de l'amour, il ne demande aucune
connaissance livresque. Les simples sentent Dieu aussi naturellement
que la chaleur du soleil ou le parfum d'une fleur. Mais
ce Dieu, si abordable à celui qui sait aimer, se
cache à celui qui ne sait que comprendre : la pensée
et la parole font défaut quand il s'agit de le décrire.
C'est pourquoi, la prière trouve sa plus haute expression
dans un essor d'amour à travers la nuit obscure de
l'intelligence. »
La prière devrait toujours être précédée
d'un moment d'introspection, de méditation, car la
méditation va permettre ce face-à-face avec
soi-même qui va nous amener à nous situer parfaitement
dans notre intention de don car nous devons élever
notre esprit au-dessus des préoccupations matérielles
ou égoïstes pour devenir un instrument capable,
dans son désintéressement, du don d'amour.
Nous ne devrions, dans ces instants d'intense réflexion,
n'avoir que des pensées d'amour.
Il convient, dans ces moments, de ne pas se laisser distraire
pour arriver à ce but. La méditation augmente
le pouvoir de la pensée en ouvrant une porte sur
un infini où l'esprit peut plonger dans une élévation
sublime où sa prière pourra presque atteindre
à une communion avec l'Invisible, cette communion
que l'on vit dans ses moments où, absorbé
dans la contemplation du spectacle grandiose d'un coucher
de soleil, on médite sur la nature divine, sur l'harmonie
des lois de l'univers comme l'a exprimé Camille Flammarion
:
« Et la prière immense du ciel incommensurable
avait son écho, sa strophe, sa représentation
visible, dans celle de la vie terrestre qui vibrait autour
de moi : dans le bruit de la mer, dans le parfum du rivage,
dans la dernière note de l'oiseau des bois, dans
la mélodie confuse des insectes, dans l'ensemble
émouvant de cette scène et, surtout, dans
l'admirable illumination du crépuscule.
Je regardais
mais j'étais si petit, au milieu
de cette action de grâce, que la grandeur du spectacle
m'accabla ; je sentis ma personnalité s'évanouir
dans l'immensité de la Nature
Bientôt, il me sembla que je ne pouvais ni parler,
ni penser
La vaste mer fuyait à l'infini
Je n'existais plus, et mes yeux se couvrirent d'un voile
Dominé par l'immense et formidable splendeur, je
me sentis précipité à genoux devant
le Ciel ; à genoux et prosterné, la tête
confondue dans les herbes
et les êtres continuaient
leur prière.
Le Soleil, source de lumière et de vie, regarda pour
la dernière fois, par-dessus l'horizon des mers
Le crépuscule descendit des cieux
les flots
s'assoupirent, car le vent qui les portait sur la grève
s'était abattu ;
et l'étoile avant-courrière du soir s'alluma
dans l'éther
"Ô, Mystérieux inconnu, m'écriai-je
Etre grand ! Etre immense !
Suprême auteur
de l'harmonie
Qui donc es-tu, si ton uvre est
si grande ?
Qui sommes-nous donc, pauvres mites humaines qui croyons
te connaître, ô Dieu !
Que nous sommes
petits ! que nous sommes petits !
Qui donc
osa te nommer pour la première fois ? Quel est
donc l'orgueilleux insensé qui, pour la première
fois, prétendit te définir ?
Ô Dieu ! ô mon Dieu ! Toute puissance et toute
tendresse ! Immensité sublime et inconnaissable !
Je suis si petit que je ne sais si tu m'entends
"
Comme ces pensées se précipitaient hors de
mon âme pour s'unir à l'affirmation grandiose
de la Nature entière, des nuées s'écartèrent
du couchant, et le rayonnement d'or des régions éclairées
inonda la montagne.
"Oui ! tu m'entends, ô Créateur ! Toi
qui donnes à la petite fleur des champs sa beauté
et son parfum !
La voix de l'océan ne
couvre pas la mienne, et ma pensée monte à
toi, ô mon Dieu, avec la prière de tous
"
Du haut du cap, ma vue s'étendait au sud, comme à
l'occident, et sur la plaine, comme sur la mer
Et tandis que la Nature s'était reconnue devant Dieu
pour saluer la mission de l'un de ses astres fidèles,
tandis que tous les êtres s'étaient communiqués
leurs prières, tandis que l'uvre créée,
unanime et recueillie, s'était offerte au Créateur,
la créature douée d'une âme immortelle
et responsable, l'être privilégié de
la Création, le représentant de la Pensée,
l'Homme vivait à côté, insouciant de
ces splendeurs,
ayant des yeux pour ne pas voir,
des oreilles pour ne pas entendre,
semblant ignorer cette universelle harmonie, au sein de
laquelle il devrait trouver son bonheur et sa gloire
»
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