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Au
nom de Dieu un en son essence et triple en ses personnes.
Histoire de la mort de notre père, le saint vieillard
Joseph, le charpentier ; que ses bénédictions
et ses prières descendent sur nous tous, ô
mes frères. Ainsi soit-il !
Sa vie fut de cent onze ans et son départ de ce monde
arriva le vingtième mois dAbib qui répond
au mois dAb. Que sa prière nous protège.
Ainsi soit-il.
Cest
Notre-Seigneur Jésus-Christ lui-même qui a
raconté cette histoire à ses saints disciples
sur le mont des Oliviers ; cest lui qui leur a fait
connaître tous les travaux de Joseph et la consommation
de ses jours ; les saints apôtres conservèrent
ce discours et le laissèrent consigné par
écrit dans la bibliothèque de Jérusalem.
Que leur prière nous protège ! Ainsi
soit-il !
1.
Il arriva un jour que le Sauveur Jésus-Christ, notre
Dieu, Seigneur et Maître, était assis sur le
mont des Oliviers avec ses disciples réunis ensemble,
leur dit : « ô mes frères et
mes amis, enfants du père qui vous a choisis parmi
tous les hommes, vous savez que je vous ai annoncé
quil fallait que je fusse crucifié et que je
mourusse pour le salut dAdam et de sa postérité
et que je ressuscitasse dentre les morts. Je vais
vous confier la doctrine du saint Evangile que je vous ai
déjà annoncée afin que vous la prêchiez
dans le monde entier, car je vous couvrirai de la vertu
den haut, et je vous remplirai de lEsprit-Saint.
Vous prêcherez à toutes les nations la pénitence
et la rémission des péchés. Car un
seul verre deau qui sera donné à un
homme dans le siècle présent est plus précieux
et plus grand que toutes les richesses de ce monde entier,
et lespace dun seul pied dans la maison de mon
Père lemporte en excellence et en valeur sur
tous les trésors de la terre. Une seule heure dans
lheureuse demeure des justes donne plus de joie et
vaut plus que mille années parmi les pécheurs
; car les gémissements de ces pécheurs et
leurs plaintes ne cesseront point, et leurs larmes nauront
point de fin, et ils ne trouveront à aucun moment
de léternité, ni consolation, ni repos.
Et maintenant, vous qui êtes mes membres honorables,
allez, prêchez à toutes les nations, portez-leur
la loi nouvelle et dites-leur : le Seigneur recherche
avec soin lhéritage auquel il a droit ;
cest lui qui est ladministrateur de la justice.
Et les anges châtieront ses ennemis et combattront
au jour de la vengeance. Dieu examinera chaque parole oiseuse
et insensée quauront dite les hommes, et ils
lui en rendront compte, car personne ne sera exempt de la
loi de mortalité, et les uvres de chacun seront
révélées au grand jour du jugement,
soit quelles aient été bonnes, soit
quelles aient été mauvaises. Annoncez
donc cette parole que je viens de vous dire aujourdhui :
que le fort ne tire point vanité de sa force, ni
le riche de ses richesses ; mais que celui qui veut
être glorifié, se glorifie dans le Seigneur. »
9.
Hérode mourut dune manière horrible,
portant la peine du sang innocent quil avait versé
lorsquil avait fait périr injustement des enfants
innocents de tout péché. Et quand cet impie
et tyrannique Hérode fut mort, mes parents revinrent
dans la terre dIsraël
12.
Il arriva enfin que linstant de la mort du pieux vieillard
Joseph approchât et que vint le moment où il
devait quitter ce monde comme les autres hommes qui sont
assujettis à revenir à la terre. Et son corps
étant près de sa destruction, lange
du Seigneur lui annonça que lheure de sa mort
était proche. Alors la crainte sempara de lui,
et son esprit tomba dans un trouble extrême. Et se
levant, il alla à Jérusalem. Et étant
entré dans le temple du Seigneur, et répandant
des prières devant le sanctuaire, il dit :
13.
« Ô Dieu ! auteur de toute consolation, Dieu
de toute miséricorde et Seigneur du genre humain
tout entier, Dieu de mon âme, de mon esprit et de
mon corps, je tadresse mes adorations et mes prières,
ô mon Dieu et mon Seigneur ! Si mes jours sont
déjà consommés et si le temps arrive
où je dois sortir de ce monde, envoie, je t'en supplie,
le grand Michel, le prince de tes anges. Et qu'il demeure
avec moi, afin que ma pauvre âme sorte de ce corps
débile sans souffrance, sans crainte et sans impatience
; car un grand effroi et une violente tristesse s'emparent
de tous les corps au jour de leur mort, qu'ils soient mâles
ou femelles, bêtes des champs ou des bois, qu'ils
rampent sur la terre ou qu'ils volent dans l'air. Toutes
les créatures qui sont sous le ciel et dans lesquelles
s'anime l'esprit de vie sont frappées d'horreur,
d'une grande crainte et d'une répugnance extrême
lorsque leurs âmes sortent de leurs corps. Or, mon
Dieu et Seigneur ! que ton saint ange prête son
assistance à mon âme et à mon corps
jusqu'à ce que leur séparation se soit consommée.
Et que la face de l'ange, désigné pour me
garder depuis le jour où j'ai été formé,
ne se détourne pas de moi. Mais qu'il soit mon compagnon
et mon guide jusqu'à ce qu'il m'ait conduit à
toi. Que son visage soit pour moi plein d'allégresse
et de bienveillance, et qu'il m'accompagne en paix. Ne permets
pas, ô mon Dieu ! que les démons s'approchent
de moi sur le chemin qui doit me conduire heureusement à
toi. Et ne permets pas que les gardiens du paradis m'en
refusent l'entrée. Et, dévoilant mes fautes,
ne m'expose pas à l'opprobre en face de ton tribunal
redoutable. Que les lions ne se précipitent pas sur
moi. Et que les flots de la mer de feu que je dois nécessairement
traverser ne submergent pas mon âme avant que j'ai
contemplé la gloire de ta divinité. Ô
Dieu ! juge très équitable, qui dois
juger les mortels dans la justice et les traiter chacun
selon ses uvres, assiste-moi dans ta miséricorde
et éclaire ma voie pour que je parvienne à
toi. Car tu es la source abondante de tous biens et de la
gloire pour l'éternité. Ainsi soit-il. »
14.
Il arriva ensuite, lorsque Joseph revint chez lui, dans
la ville de Nazareth, qu'il fut atteint d'une maladie et
retenu au lit. Et le temps était venu où il
devait mourir, comme c'est le destin de tous les hommes.
Et il éprouvait une vive souffrance de cette maladie
et c'était la première qu'il l'eût depuis
le jour de sa naissance. Or voici comment il avait plu au
Christ d'ordonner les choses relatives à Joseph.
Il vécut quarante ans avant de contracter mariage.
Sa femme passa avec lui quarante-neuf ans, et quand ils
furent écoulés, elle mourut. Un an après
sa mort, les prêtres confièrent à Joseph
ma mère, la bienheureuse Marie, afin qu'il la gardât
jusqu'au temps des noces. Elle resta deux ans dans sa maison,
et la troisième année de son séjour
chez Joseph, étant âgée de quinze ans,
elle m'enfanta sur la terre par un mystère qu'aucune
créature ne peut pénétrer ni comprendre,
si ce n'est moi, mon Père et l'Esprit-Saint, constituant
avec moi une seule et unique essence.
15.
La mort de mon père, ce vieillard juste arriva ainsi
à cent onze ans, ainsi que l'avait décidé
mon Père céleste. Et le jour auquel son âme
se dépara de son corps était le vingt-sixième
jour du mois d'Abib. Il commença à perdre
un or d'une splendeur éclatante, c'est-à-dire
son intelligence à la science. Il prit du dégoût
pour les aliments et la boisson. Et il arriva, le vingt-sixième
jour du mois d'Abib, que l'âme du vieillard Joseph
le Juste fut comme troublée pendant qu'il était
dans son lit. Car il ouvrait la bouche, poussant des soupirs
et frappant dans ses mains l'une contre l'autre. Et il cria
d'une voix élevée, parlant de cette manière :
16.
« Malheureux le jour où je suis né !
Malheureux le ventre qui m'a porté ! Malheureuses
les entrailles qui m'ont reçu ! Malheureuses
les mamelles qui m'ont allaité ! Malheureux
les pieds qui m'ont soutenu ! Malheureuses les mains
qui m'ont porté et m'ont élevé jusqu'à
ce que j'eusse grandi, car j'ai été conçu
dans l'iniquité et ma mère m'a engendré
dans le péché. Malheur à ma langue
et à mes lèvres, car elles ont parlé
et elles ont proféré des paroles de vanité,
de reproche, de mensonge, d'ignorance, de dérision,
d'instabilité et d'hypocrisie ! Malheur à
mes yeux, car ils ont contemplé le scandale !
Malheur à mes oreilles, car elles se délectaient
aux discours des calomniateurs ! Malheur à mes
mains, car elles ont pris ce qui ne leur appartenait point
! Malheur à mon ventre et à mes intestins,
car ils ont désiré une nourriture dont l'usage
leur était interdit ! Malheur à mon gosier
qui, semblable à du feu, consumait tout ce qu'il
pouvait ! Malheur à mes pieds qui ont souvent
suivi des sentiers proscrits par Dieu ! Malheur à
mon corps, et malheur à mon âme rebelle à
Dieu, son créateur ! Que ferai-je lorsque j'arriverai
face à face devant le juge de toute équité,
et lorsqu'il me reprochera les uvres que j'ai accumulées
dans ma jeunesse ? Malheur à tout homme qui meurt
dans ses péchés ! Cette heure terrible, qui
a déjà frappé mon père Jacques,
lorsque son âme s'envola de son corps, la voici donc !
Elle est proche ! Oh ! qu'aujourd'hui je suis
misérable et digne de compassion ! Mais Dieu
seul est le directeur de mon âme et de mon corps ;
qu'il agisse avec eux selon son bon vouloir. »
17.
Ce furent les paroles de Joseph, ce juste vieillard. Et
moi, entrant et m'approchant de lui, je trouvai son âme
excessivement troublée et livrée à
une grande angoisse. Et je lui dis : « Salut, Joseph,
mon père, homme juste ; comment est ta santé ?»
Et il me répondit : « Je te salue
mille fois, ô mon fils chéri ! La douleur et
la crainte de la mort m'ont déjà entouré
; mais, aussitôt que j'ai entendu ta voix, mon âme
a retrouvé le repos. Ô Jésus de Nazareth,
Jésus mon consolateur, Jésus le libérateur
de mon âme, Jésus, mon protecteur ! Jésus,
ô nom très doux dans ma bouche et pour ceux
qui l'aiment ! il qui voit et oreille qui entend,
exauce-moi. Moi, ton serviteur, je te vénère
aujourd'hui en toute humilité, et je répands
mes larmes devant toi. Tu es mon Dieu, tu es mon Seigneur,
ainsi que l'ange me l'a annoncé bien souvent ; mon
âme flottait irrésolue, surtout en ce jour
lorsque, agité en de mauvaises pensées, à
cause de la pure et bénie Marie qui avait conçu,
je songeais à la renvoyer en secret. Tandis que je
méditais ce projet, voici que, par un mystère
admirable, les anges du Seigneur m'apparurent pendant mon
sommeil et me dirent : Ô Joseph, fils de David,
ne crains point de prendre Marie pour ta fiancée,
et ne t'afflige pas de ce qu'elle a conçu ;
garde-toi de proférer à cet égard des
paroles répréhensibles, car elle est enceinte
par l'opération de l'Esprit-Saint, et elle engendrera
un fils qui portera le nom de Jésus, et c'est lui
qui rachètera les péchés de son peuple.
Et maintenant ne me reprends pas de ma faute, Seigneur,
car j'ignorais les mystères de la nativité.
Je me souviens, Seigneur, du jour où un enfant périt
de la morsure d'un serpent ! Ses parents voulaient te livrer
à Hérode, t'accusant de l'avoir fait mourir.
Mais tu le ressuscitas d'entre les morts, et tu le leur
rendis. Alors, m'approchant de toi et te prenant la main,
je te dis : « Mon fils, prends garde à
toi. » Mais tu me répondis : « N'es-tu
pas mon père selon la chair ? Je t'enseignerai
qui je suis. » Maintenant, ô mon Seigneur
et mon Dieu, ne t'irrite pas contre moi, et ne me condamne
pas à cause de cette heure. Je suis ton esclave et
le fils de ta servante ; mais toi, tu es mon Seigneur,
mon Dieu et mon Sauveur ; tu es certainement le Fils
de Dieu. »
18.
Après avoir ainsi parlé, mon père ne
put pleurer davantage. Et je vis que la mort le dominait
déjà. Et ma mère, la Vierge sans tache,
se levant et s'approchant de moi, dit : « Ô
mon fils chéri, ce pieux vieillard, Joseph, va mourir.
» Et je lui répondis : « Ô ma mère
bien-aimée, c'est la loi commune à toutes
les créatures qui naissent en ce monde, car la mort
a obtenu son droit assuré sur tout le genre humain.
Et toi, ma mère, et tout le reste des êtres
humains, vous devez vous attendre à voir se terminer
votre vie. Mais ta mort, ainsi que la mort de ce pieux vieillard,
n'est point une mort véritable, mais une porte pour
entrer dans la vie qui est éternelle et qui ne connaît
point de fin. Le corps même que j'ai reçu de
toi est également sujet à la mort. Mais lève-toi,
ma mère digne de toute vénération,
et approche-toi de Joseph, ce vieillard béni, afin
que tu voies ce qui arrivera au moment où son âme
se séparera de son corps. »
19.
Et Marie ma mère immaculée, alla donc, et
elle entra dans l'endroit où était Joseph,
et j'étais assis à ses pieds, le regardant.
Apparaissaient déjà sur son visage les signes
de la mort. Et ce bienheureux vieillard, levant la tête,
me regarda en fixant sur moi les yeux. Mais il n'avait nullement
la force de parler, à cause de la douleur de la mort
qui le tenait enveloppé ; seulement, il poussait
de grands soupirs. Et je tins ses mains durant l'espace
d'une heure entière. Et lui, ayant tourné
son visage vers moi, me faisait signe de ne point l'abandonner.
Ayant ensuite posé ma main sur sa poitrine, je pris
son âme, déjà près de sa gorge,
et sur le point de sortir de sa retraite
20.
Quand ma mère, toujours vierge, vit que je touchais
le corps de Joseph, elle lui toucha les pieds. Et les trouvant
déjà privés de vie et glacés,
elle me dit : « Ô mo, cher fils, ses
pieds commencent déjà à se refroidir,
et ils sont froids comme la neige. » Ayant réuni
ses fils et ses filles, elle leur dit : « Venez,
tous tant que vous êtes, et approchez de votre père,
car il est certainement arrivé à son dernier
moment. » Et Assia, fille de Joseph, répondit :
« Malheur à moi, ô mes frères,
car c'est la même maladie dont est morte notre mère
bien-aimée. » Elle pleurait et poussait
des cris de douleur, et tous les autres enfants de Joseph
répandirent aussi des larmes. Et moi, et Marie, nous
pleurions avec eux.
21.
Et me retournant vers le midi, je vis la mort qui s'approchait,
et avec elle, toutes les puissances de l'abîme, leurs
armées et leurs satellites. Et leurs vêtements,
leurs bouches et leurs visages jetaient du feu. Quand mon
père Joseph les vit venir à lui, ses yeux
furent inondés de larmes. Et, en même temps,
il poussa un gémissement extraordinaire. Alors, voyant
la violence de ses soupirs, je repoussai la mort et toute
la foule des ministres dont elle était accompagnée,
et j'invoquai mon Père miséricordieux, disant :
22.
« Ô père de toute clémence, il
qui voit, oreille qui entend ! écoute mes supplications
et mes prières pour le vieillard Joseph, et daigne
envoyer Michel, le prince de tes anges, et Gabriel, le héraut
de la lumière, et toute la lumière de tes
anges, et que tout leur cortège chemine avec l'âme
de mon père Joseph jusqu'à ce qu'ils te l'aient
amenée. Voici l'heure où mon père a
besoin de miséricorde. Et je vous dis que tous les
saints, bien plus, que tous les hommes qui naîtront
dans ce monde, qu'ils soient justes ou pervers, doivent
nécessairement goûter la mort. »
23.
Michel et Gabriel vinrent donc vers l'âme de mon père
Joseph. Et l'ayant prise, ils l'enveloppèrent dans
un linceul éclatant. Il rendit ainsi l'esprit dans
les mains de mon Père miséricordieux, et la
paix lui fut accordée, et aucun de ses enfants ne
sut qu'il s'était endormi. Mais les anges défendirent
son âme des démons des ténèbres
qui étaient sur la route, et ils louèrent
Dieu, jusqu'à ce qu'ils l'eussent conduite au lieu
qu'habitent les justes.
24.
Cependant son corps resta étendu et sans couleur.
Car, ayant approché ma main de ses yeux, je les avais
fermés ; j'avais fermé également sa
bouche, et j'avais dit à la Vierge Marie : « Ô
ma mère, où est l'habileté qu'il avait
acquise dans son art pendant tout le temps qu'il a vécu
en ce monde ? Elle a péri avec lui, et elle
est comme si elle n'avait jamais existé. »
Quand les enfants de Joseph entendirent que je parlais avec
ma mère, la Vierge sans tache, ils connurent qu'il
avait expiré, et, versant des larmes, ils poussèrent
des cris de douleur. Et je leur dis : « La
mort de votre père n'est pas la mort, mais la vie
éternelle. Car, délivré des tribulations
de ce siècle, il est entré dans le repos éternel
qui ne connaît point de fin. » Et quand
ils entendirent ces paroles, ils déchirèrent
leurs vêtements en pleurant.
25.
Et quelques habitants de la ville de Nazareth et des gens
de toute la Galilée, sachant leur désolation,
vinrent à eux, et ils pleurèrent depuis la
troisième jusqu'à la neuvième heure.
Et à la neuvième heure, ils allèrent
ensemble dans la chambre de Joseph, et, après avoir
frotté son corps de parfums précieux, ils
l'emportèrent. Moi, j'adressais ma prière
à mon Père céleste. Cette prière
est celle que j'écrivis de ma main avant que je ne
fusse dans le sein de la Vierge marie, ma mère. Et
dès que je l'eus finie, et que j'eus dit "amen",
une grande multitude d'anges apparurent, et j'ordonnai à
deux d'entre eux d'étendre une étoffe écarlate,
et d'envelopper le corps de Joseph, le vieillard béni.
26.
Et m'approchant de Joseph, je dis : « L'odeur
de la mort, l'odeur cadavérique ne domineront point
en toi, et nul ver ne sortira de ton corps. Aucun de tes
membres ne sera brisé, aucun cheveu arraché
de ta tête, et il ne périra aucune partie de
ton corps, ô mon père Joseph ; mais il
restera entier et sans corruption jusqu'au festin de mille
ans. Et tout homme qui aura eu soin de faire ses offrandes
au jour de ton anniversaire, je le bénirai et je
le rétribuerai dans l'assemblée des vierges.
Et quiconque aura donné de la nourriture aux indigents,
aux pauvres, aux veuves et aux orphelins, qui leur aura
distribué le fruit du travail de ses mains le jour
que l'on célèbre ta mémoire, et en
ton nom, celui-là ne sera pas dénué
de biens durant tous les jours de sa vie. Quiconque aura
donné en ton nom à une veuve ou à un
orphelin, un verre d'eau pour se désaltérer,
je lui accorderai que tu partages avec lui le banquet des
mille ans. Et tout homme qui aura soin de faire ses offrandes
le jour de ton anniversaire, je le bénirai et je
lui rendrai dans l'assemblée des vierges, et je le
lui rendrai trente, soixante et cent pour un. Et quiconque
retracera l'histoire de ta vie, de tes épreuves,
de ta séparation du monde et ces paroles sorties
de ma bouche, je le confierai à ta garde, tant qu'il
demeurera en cette vie. Lorsque son âme abandonnera
son corps et qu'il lui faudra quitter ce monde, je brûlerai
le livre de ses péchés, et je ne le tourmenterai
d'aucun supplice au jour du jugement ; mais il traversera
la mer de feu, et il la franchira sans douleur et sans obstacle ;
mais il en sera autrement à tout homme avide et dur
qui n'accomplira pas ce que j'ai prescrit. Et celui auquel
il naîtra un fils, et qui lui donnera le nom de Joseph,
n'aura point de part à l'indigence ni à la
mort qui ne finit point. »
27.
Les principaux habitants de la ville se réunirent
ensuite dans le lieu où était placé
le corps du saint vieillard Joseph. Et, apportant avec eux
des bandes d'étoffe, ils voulurent l'envelopper selon
l'usage consacré parmi les Juifs. Mais ils trouvèrent
que son linceul tenait à son corps si fortement que,
lorsqu'ils cherchèrent à l'enlever, il resta
adhérent, sans pouvoir être déplacé,
et il avait la dureté du fer, et ils ne purent trouver
en ce linceul aucune couture qui en indiquât les extrémités
; ce qui les remplit d'un grand étonnement. Enfin,
ils le portèrent auprès de la caverne, et
ils ouvrirent la porte afin de placer son corps avec ceux
de ses pères. Alors je me rappelai le jour où
il cheminait avec moi vers l'Egypte, et je songeai à
toutes les peines qu'il avait supportées à
cause de moi, et je pleurai sa mort beaucoup de temps. Et,
me penchant sur son corps, je dis :
28.
« Ô mort qui anéantis toute science et
qui causes tant de larmes et tant de cris de douleur, certes
tu n'as reçu cette puissance que de Dieu, mon père.
Les hommes périssent à cause de la désobéissance
d'Adam et de sa femme Eve, et la mort n'épargne aucun
d'eux. Mais nul ne peut être enlevé de ce monde
sans la permission de mon père. Il y a eu des hommes
dont la vie s'est prolongée jusqu'à neuf cents
ans ; mais ils ne sont plus. Et quelque longue qu'ait
été la carrière de certains d'entre
eux, tous ont succombé, et aucun n'a pu dire :
« Je n'ai pas goûté la mort. »
Et il a plu à mon père d'infliger cette peine
à l'homme, et quand la mort a vu quel commandement
lui venait du ciel, elle a dit : « J'irai
contre l'homme, et je ferai autour de lui un grand ébranlement. »
Adam ne s'étant point soumis à la volonté
de mon père, et ayant transgressé ses ordres,
mon père courroucé contre lui, l'a livré
à la mort, et c'est ainsi que la mort est entrée
dans ce monde. Si Adam avait observé les ordres de
mon père, la mort n'aurait jamais eu d'emprise sur
lui. Pensez-vous que je ne pourrai pas demander à
mon père de m'envoyer un char de feu pour recevoir
le corps de mon père Joseph, et le transporter dans
un séjour de repos où il habite avec les saints ?
Mais cette angoisse et ce châtiment de la mort ont
frappé tout le genre humain à cause de la
prévarication d'Adam. Et c'est pour ce motif que
je dois mourir selon la chair, non à cause de mes
uvres, mais pour que les hommes que j'ai créés
obtiennent grâce devant Dieu. »
29.
Ayant dit ces paroles, j'embrassai le corps de mon père
Joseph, et je pleurai sur lui. Les autres ouvrirent la porte
du sépulcre, et ils déposèrent son
corps à côté de celui de son père
Jacques. Lorsqu'il s'endormit, il avait accompli cent onze
ans ; il n'eut jamais aucune dent qui lui occasionnât
la moindre douleur dans la bouche, et ses yeux conservèrent
toute leur pénétration ; sa taille ne
se courba point, et ses forces ne s'affaiblirent point ;
il s'occupa de sa profession de charpentier jusqu'au dernier
jour de sa vie. Et ce jour fut le vingt-sixième du
mois d'Abib.
30.
Après avoir entendu notre Sauveur, nous, les apôtres,
nous levâmes remplis d'allégresse, et, lui
ayant rendu hommage en nous inclinant profondément,
nous dîmes : « Ô notre Sauveur,
tu nous as fait une grande grâce, car nous avons entendu
des paroles de vie ? Mais nous sommes étonnés
du sot d'Enoch et d'Elie ; car il n'ont pas été
sujets à la mort. Ils habitent la demeure dès
jusqu'au jour présent, et leurs corps n'ont point
été sujets à la corruption. Cependant,
ce vieillard, Joseph le charpentier était ton père
selon la chair. Tu nous as ordonné d'aller dans le
monde entier prêcher le saint Evangile, et tu as dit :
« Annoncez-leur la mort de mon père Joseph,
et célébrez, par une solennité, le
jour consacré à sa fête. Quiconque retranchera
quelque chose commettra un péché. »
Nous sommes aussi surpris de ce que Joseph, depuis le jour
que tu es né à Bethléem, t'ait appelé
son fils selon sa chair. Pourquoi donc ne l'as-tu pas rendu
immortel, ainsi que le sont Enoch et Elie ? Tu dis
pourtant qu'il fut juste et élu. »
31.
Alors notre Sauveur répondit et dit : « La
prophétie de mon père s'est accomplie sur
Adam à cause de sa désobéissance, et
toutes choses s'accomplissent selon la volonté de
mon père. Si l'homme désobéit à
Dieu ; s'il accomplit les uvres du démon
en commettant le péché, son âge s'accomplit ;
il est conservé en vie pour qu'il puisse faire pénitence,
et éviter d'être remis aux mains de la mort
[
]
Toute prophétie que mon père a prononcée
touchant les fils des hommes doit s'accomplir en chaque
chose. Quant à ce qui regarde Enoch et Elie, ils
sont encore en vie aujourd'hui, gardant les mêmes
corps avec lesquels ils sont nés. Et quant à
mon père Joseph, il ne lui a pas été
donné, comme à eux, de rester en son corps ;
et quand même un homme aurait vécu des myriades
d'années sur cette Terre, il serait encore forcé
d'échanger la vie contre la mort. Et je vous dis,
ô mes frères, qu'il fallait qu'Enoch et Elie
revinssent en ce monde à la fin des temps, et qu'ils
perdissent la vie le jour de la désolation, de l'angoisse,
de l'affliction et de la grande commotion ; car l'Antéchrist
tuera quatre corps, et il répandra le sang comme
de l'eau, à cause de l'opprobre auquel ils doivent
l'exposer, et de l'ignominie dont, vivants, ils le frapperont,
lorsque son impiété sera découverte. »
32.
Et nous nous écriâmes : « Ô
Notre-Seigneur, Dieu et Sauveur ! quels sont ces quatre
corps que tu as dit que l'Antéchrist devait faire
périr, parce qu'ils s'élèveraient contre
lui ? » Et le Sauveur répondit :
« Ce sont Enoch, Elie, Schila et Tabitha. »
Lorsque nous entendîmes les paroles de notre Sauveur,
nous nous réjouîmes et nous nous livrâmes
à l'allégresse, et nous offrîmes toute
gloire et actions de grâces à Notre-Seigneur,
Dieu et Sauveur Jésus-Christ. Car c'est à
lui que sont dus gloire, honneur, dignité, domination,
naissance et louange, ainsi qu'au Père miséricordieux
avec lui et au Saint-Esprit, vivifiant maintenant et dans
tous les temps et dans tous les siècles des siècles.
Ainsi soit-il.
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