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« Regardez ce troupeau désuni et sauvage
Qui jure, qui blasphème, en proie au désespoir,
Qui injurie le bon, martyrise le sage ;
Regardez ce troupeau qui descend vers le noir !
Pourtant j'ai mis en tous des débris de mon âme
;
Je les voulais heureux, même dans le malheur.
Ils ont tout oublié et me traitent d'infâme
!…
Pourtant, j'ai mis en tous ma raison et mon cœur.
»
«
Père ! » dit une voix « ces hommes en détresse
Ont besoin de savoir et de se souvenir.
Puis-je me dévouer, réveiller leur
sagesse ? »
«
Père ! » dit une voix « je veux les secourir…
»
Dieu,
touché, regarda cet Esprit de Lumière
Que l'Amour tout puissant semblait auréoler
Dans son divin désir de sauver tous ses frères
;
Dieu, touché, regarda : « Tu veux donc t'envoler
?
« Tu veux donc apporter la parole de Vie
A tous ces malheureux ignorants et pervers
Qui vivent dans l'orgueil, l'envie, la jalousie
?
Tu veux donc à jamais éclairer l'univers
?
Vois les lieux ténébreux où ta souffrance
est sûre,
Vois d'ici tous les maux qui s'abattront sur toi.
Le chemin est mauvais !… » « Père,
la source est pure,
Vers les lieux ténébreux, je dois
porter la foi. »
«
Va donc, sois courageux durant le long calvaire
De déceptions, d'ennuis, pour sauver ton
prochain ;
Lorsque tu faibliras, nous te dirons : “Espère
!…”
Va donc, sois courageux ! Eblouis les Humains !
»
Neuf
mois après ce jour, dans une pauvre étable,
Jésus, divin Esprit, médium inspiré,
Naissait paisiblement -doux et charmant spectacle-
Neuf mois après ce jour, il apprit à pleurer.
Que
fut toute sa vie ? La lutte, la souffrance ;
Il montrait à chacun l'autre côté des
Cieux,
Parlait de charité, d'amour et d'espérance
Que fut toute sa vie ? Un sourire de Dieu
Il
allait cependant, et sous ses paraboles,
La Vérité germait en épis triomphants
;
La foule le suivait, troublée par ses paroles
Il allait cependant, adoré des enfants.
«
Tous ces jeunes Esprits ont besoin de Lumière »
Disait-il aux parents. « Laissez-les donc venir
Se chauffer aux rayons dont m'inonde mon Père
! »
Tous ses jeunes enfants devaient se souvenir
Ah
! Il les aimait tant ces parias de la Terre,
Avides de savoir et de connaître Dieu !
De tous ces ignorants, Il était le grand Frère
;
Ah ! Il les aimait tous, ces parias malheureux !
Oh,
comme Il les plaignait, tous ces Grands, tous ces Prêtres
Qui le crucifiaient au nom du Créateur,
Disant : « C'est un impie, un renégat, un traître
! »
Mais comme Il les plaignait, les bourreaux de son cur
!
«
Mon Dieu ! Ayez pitié de ces êtres sauvages
!
Je n'ai pu les sauver, pitié pour ces damnés
!
Mes forces ont faibli, je n'ai plus de courage…
O Dieu, mon Dieu ! pourquoi m'avoir abandonné
? »
Et
du haut de la croix, pleurant sur sa défaite,
Il dit : « Votre abandon, Père, cause ma mort
! »
« Tu as assez souffert, et ta mission est faite !
»
Et du haut de la croix, Il pardonnait encor'…
Trois
jours après cela, les malheureux apôtres
Priaient lorsque Jésus parut au milieu d'eux.
« Frères » dit-Il « Allez, ma mission
est la vôtre ! »
Et les ayant bénis, il regagna les Cieux.
Auprès
de l'Eternel, lors, Il poursuit sa tâche.
Son sourire descend sur Terre avec bonté.
Il veut que l'Homme ait foi, il veut surtout qu'on sache
Que Jésus-Christ saura sauver l'Humanité.
Un
soir, -il était tard- la neige dans la rue
Tombait à gros flocons, obscurcissant la vue.
On ne voyait errer que de rares passants
Se hâtant d'arriver, blêmes et frémissants.
Cependant un vieillard apparaissait dans l'ombre,
Grelottant ; il avait le teint pâle et l'air sombre.
D'une fébrile voix, il murmurait tout bas
Des mots entrecoupés, qu'on ne comprenait pas.
Peu soucieux du vent qui soufflait en tempête,
Il marchait vivement, et sans lever la tête ;
Son pas sur le pavé résonnait lourdement,
Et ses mains s'agitaient comme en un tremblement.
Bientôt il atteignit les rives de la Seine,
Descendit sur la berge, et là reprit haleine,
Contempla le flot noir qui coulait lentement ;
Puis, calme, résolu, respira longuement.
Souriant à la mort dont il cherchait l'étreinte,
Il allait s'élancer sans pousser une plainte,
Lorsque deux bras nerveux le saisirent soudain :
«
Avant que de périr, songez au lendemain !
»
« Parler de lendemain, quelle absurde chimère
!
Il n'en est point pour moi : la vie est trop amère
!
A votre volonté, d'ailleurs, suis-je asservi
?
Pour être à mes côtés,
m'avez-vous donc suivi ? »
« Oui ! » répond l'étranger, d'un
ton doux mais sonore ;
«
Laissez-moi vous sauver : il en est encore temps ! »
« Non, je suis malheureux, délaissé,
vieux et las,
Et si vous me plaignez, ne me retenez pas :
A quoi bon prolonger une épreuve cruelle
!…
Je ne veux plus lutter ! »
« Ami, la lutte est belle,
Lorsqu'elle nous permet de racheter des ans
Où nous ne sûmes point nous montrer
bienfaisants. »
« Je ne puis vous comprendre : aux jours de ma jeunesse,
J'étais honnête et bon : j'aimais avec
tendresse. »
« C'est d'un temps plus lointain que je vous parle,
ami :
La mort vous a, déjà, dans la tombe
endormi ;
Et remontant le cours d'une ancienne existence,
Je vous vois refuser vos dons à l'indigence
;
Dette qu'il faudra bien vous soumettre à
payer :
Où nous avons failli, nous devons expier
! »
« A ce passé mauvais, rebelle est ma mémoire
;
Et même, à dire vrai, je ne saurais
y croire !… »
« Par grâce, écoutez-moi : la paix vous
reviendra ;
En votre cœur meurtri le doute cessera. »
« De quel droit m'empêcher de finir ma carrière
? »
« Du droit affectueux qu'un homme a sur son frère.
»
« Un frère, dites-vous ?
J'en eus un,
riche, heureux ;
Mais il me repoussa !… Ce nom m'est douloureux.
»
« Oubliez son injure, et que Dieu lui pardonne !
En gardant, sans scrupule, un or que le Ciel donne
Pour être réparti noblement entre tous, Qu'il fut coupable !… il est plus à plaindre que vous. »
« C'est la première fois qu'on me tient ce
langage ;
Quoiqu'il m'étonne un peu, je l'entends sans
ombrage.
Pourtant, j'ai bien souffert !… »
«
Eh ! qui ne souffre pas ?
Le combat, la douleur sont le lot d'ici-bas.
Venez ! Vous me direz vos maux, votre misère
;
Je vous consolerai, vous aimerai, mon frère
! »
« Il me semble rêver !
Déjà,
je sens en moi
Un grand apaisement succéder à l'émoi.
Quoi ! Vous me protégez ainsi sans me connaître
! »
« J'obéis simplement à ce souverain
Maître
Qui nous dit :
Soyez
bons, cléments ; aimez-vous tous,
Et, vous tendant la main, hommes, secourez-vous
!…” »
« Mais, j'ai perdu trois fils, mon unique espérance
! »
« De tout mon dévouement vous avez l'assurance
! »
« Puis, je suis sans ressource, accablé, sans
soutien ! »
« Je vous procurerai du travail et du pain. »
« Hélas ! vous ignorez que je n'ai plus d'asile
! »
« Allons à mon logis ; s'aider est si facile
! »
« Oui, vous m'avez vaincu : je vivrai !
Désormais,
Je veux, soumis à Dieu, le bénir à
jamais !
Sans hâter de ma vie, enfin, l'heure dernière,
Croyant, je laisserai se fermer ma paupière.
Je me repens d'avoir, un instant, méconnu
L'ami qui, sur ces bords, vaillant, m'a retenu.
Ah ! qu'auprès des humains vous avez du mérite
! »
« Je remplis un devoir, frère : je suis
Spirite. »
Vve Louis Debloux
Pourquoi
t'appesantir ainsi sur ta misère,
Et te plaindre toujours, en
appelant la mort ?
Es-tu seul à souffrir
des maux de cette Terre ?
D'autres ont à subir
un plus rigoureux sort !
Tu les choisis, d'ailleurs,
ces cruelles épreuves,
Pour qu'un passé fâcheux
s'effaçât à jamais,
Alors que cette source amère,
où tu t'abreuves,
Te paraissait trop douce auprès
de tes forfaits.
Tu murmures pourtant !
pénible t'est la vie ;
Tu n'en peux supporter le poids
et les douleurs.
S'il fallait qu'à cette
heure elle te fût ravie,
Songe que tu devrais renaître
dans les pleurs !
Ah ! que le Tout-Puissant excuse
ta faiblesse,
Et qu'un Esprit ami t'assiste
jusqu'au jour
Où, délaissant
ce monde, abîme de tristesse,
Tu prendras ton essor vers
l'éternel séjour.
L'existence, ici-bas, est un
pèlerinage,
Dont la fatigue croît,
sans cesse, avec le temps.
Sache te résigner aux
périls du voyage ;
Le but est devant toi : qu'importent
les autans ?
Vve Louis Debloux
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Lorsque sa sur l'interrogeait
:
« Mais après ? Au delà de la vie et
plus loin
Que ce monde, n'as-tu rien découvert, mon frère
? »
Lazare répondit :
«
Je ne me souviens pas.
Un oubli plus profond que la mer de Gomorrhe
Recouvre les secrets que j'ai surpris là-bas.
Pourtant, comme un dormeur qui s'éveille à
l'aurore
Sent parfois dans son âme un rêve enseveli,
A l'ineffable effroi dont j'ai l'âme encore pleine,
Je devine qu'au fond de cet immense oubli
Gisent des souvenirs de choses plus qu'humaines ;
Et je sens que mes yeux ont du voir, éblouis,
Ce que nul il humain n'a vu, que mon oreille
Ouï ce que jamais nulle oreille n'ouï
Oh ! que ces souvenirs inconnus se réveillent,
Qu'il ressuscite en moi, ce songe merveilleux
Dont je sens la présence obscure dans mon être,
Alors je parlerai ! J'irai vers les hauts lieux,
J'appellerai vers moi les Docteurs et les Prêtres,
Tous ceux dont le Seigneur n'a pas conquis la foi,
Et, pour leur confirmer Sa parole vivante,
Et pour vaincre leurs curs, je leur crierai :
Moi, Lazare qui revient du séjour d'épouvante,
J'ai vu la vérité du sépulcre et je
sais
Ce qui n'est révélé qu'à ceux
de l'Autre Monde,
Or, cet homme est le Christ, et je jure que c'est
La Vérité qui sort de Sa bouche féconde.
Je ne me souviens pas !
Un infrangible sceau
Est posé sur ma lèvre et me ferme la bouche.
Comme d'un trésor caché dans un caveau,
J'explore, en tâtonnant, ma mémoire et ne touche
Que l'ombre insaisissable et que le vide noir.
Je ne me souviens pas !
Que dirai-je à mes
frères,
Que dirai-je aux vivants quand ils voudront savoir
Comme vous, le secret que je voudrais leur taire ?
Je ne me souviens pas !
Je ne me souviens pas
»
Et Lazare se tut
L. Mercier
Ô
vous, dont le regard adoucit et console
Le
remords, la douleur,
Vous, Esprits indulgents dont
la douce parole
Prend
le chemin du cur,
Ô
vous, qui prodiguez la tendresse profonde,
L'amour
et le pardon,
A tout être exilé
de l'un et l'autre monde,
Pauvre,
méchant ou bon,
Ô vous, qui nous montrez
la foi, splendide étoile,
Phare
libérateur,
Vous, qui laissez voir l'espérance
au long voile,
Comme
un ange sauveur,
Ô
vous, toujours parfaits, qui pardonnez sans cesse,
Sans
crainte, sans effort,
Ô vous, que n'atteint
plus notre pauvre faiblesse,
Esprits
calmes et forts,
Ô lumineux Esprits, de
ces sphères bénies,
Où
purs et radieux,
Vous contemplez du Ciel toutes
les harmonies,
L'Eternité
et Dieu,
Descendez
un instant, et sur la pauvre Terre
Abaissez
un rayon,
Donnez-nous votre paix, montrez-nous
la Lumière,
Ouvrez-nous
la prison !
Edgar Poë
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Le
pourquoi de la vie
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