Le passage…

 

  Vers le tombeau…

   
   



J'ouvris les yeux et, dans un véritable bouillonnement d'émotions, je me suis trouvée dans le salon de notre Maison de Prières, le corps couché dans le cercueil, impression qui augmentait ma souffrance.







Face à l'évidence de la désincarnation, j'essayai de prier, sans y réussir, tourmentée par le refus de l'évidence.







J'ai pu voir, alors, comme sur un grand écran de cinéma, le déroulement, à une vitesse stupéfiante, des faits qui représentaient mon existence dans une rétrospective miraculeuse, sans omission d'aucun détail…
Je me revis tout enfant…







Le plus incroyable est, qu'à chaque problème d'autrefois, des solutions paraissaient alors, me faisant voir la sagesse du Père à notre portée, mais pas toujours utilisée. Ayant oublié un moment, toutes les douleurs, je retrouvais, en raisonnant, l'Evangile Rédempteur qui montrait les directives à l'âme juvénile ; je les avais pourtant entendues soit dans les leçons du catéchisme, soit près du cœur de ma mère…







Je gardais la sensation que tous mes actes avaient été notés par un secrétaire méticuleux à qui n'avaient pu échapper, pas même les mauvaises idées…







Je savais bien que je n'avais pas été un ange en voyage de tourisme sur Terre. Toutefois, je n'aurais jamais pu supposer avoir été aussi négligente dans l'accomplissement du devoir. Quelque chose d'intérieur voulait protester, mais la conscience libérée, m'empêchait de mentir…







J'observai que tous priaient ; entendant quelqu'un qui m'appelait avec force, je me suis sentie entraînée et je te trouvai, toi, ma fille. J'ai pu comprendre que tu te souvenais des jours que nous avions vécus ensemble parce que tes pensées formaient des tableaux vivants où je le trouvais moi aussi…
J'ai voulu te prendre dans mes bras, mais lorsque je pensai pouvoir y réussir, on a soulevé le cercueil qui portait mon corps… Des liens épais et sombres m'attachaient à ma dépouille, m'entraînant avec elle…

Je reconnus les rues par où passait le cortège funèbre…







Arrivée au Cimetière, j'ai entendu des cris et des lamentations qui me déchirèrent l'âme…







– « Est-ce une adepte du Christ ou viendra-t-elle avec nous ?… » dit quelqu'un d'un ton moqueur.







– « Ne nous laissons pas aller à l'impatience… » cria le premier.
– « Ce doit être quelque pauvre vieille du Troupeau ! Regarde la protection dont elle dispose… »
Mais je n'ai pas pu m'attarder davantage à regarder ces scènes atroces. Une force terrible m'attachait au cercueil qui était déposé dans le fond du tombeau. J'entendis le son de la dalle qui couvrait ma dépouille et celui des outils employés pour la fermeture du sépulcre. Prise d'horreur, je me sentis attachée aux viscères morts, tout en étant vivante. Je criais désespérément, dans un état de terreur indicible et je perdis les sens.
Jusqu'à présent, je ne sais pas combien de temps je suis restée là, évanouie.







Le corps me faisait mal, secoué de temps en temps par de terribles frissons…







Je me suis rendue compte que, malgré mon corps mort et commençant à gonfler, en prenant un aspect horrible, je me sentais en un organisme jumeau de celui qui commençait à pourrir…







Je suis arrivée à la certitude de ce que je me trouvais dans le tombeau, je me mis à pleurer convulsivement…



 

 

 
Le passage…