Une porte qui se ferme est une invitation à chercher ailleurs. C'est ainsi que Dieu nous conduit, peu à peu, devant la porte de sa propre maison.
Si la branche tombe, l'oiseau s'envole. N'est-ce pas cela, la foi : s'envoler quand les appuis de bois mort s'écroulent sous les pas?…

Marcel Driot

 

 

 

 

 

 

 

   
 

J'attendais quelque chose qui donnerait un sens à ma vie ; j'attendais comme on pose une question et qu'on attend que quelqu'un réponde ; mais on ne pose pas la bonne question ou bien on ne la pose pas à la bonne personne, et la réponse ne vient pas.

Est-ce que tout s'arrête parce que la réponse ne vient pas ?
Non, tout continue.

 

Tennessee Williams

 

 

 

 

 

 

 

 
marcelle olivério
   

Tout d'abord enthousiasmée par l'étude de cette religion juive qui me semblait si différente, j'ai dû me rendre à l'évidence : il me faudrait chercher encore réponse à mon attente et à mon espoir car je perçus très vite les limites de cette religion qui me semblait ne contenir qu'une partie des aspects réels d'une spiritualité que j'aspirais à découvrir et que je ne pouvais, je le pressentais sans pouvoir donner d'explications, dans l'immédiat, atteindre.

C'est alors que je commençais à puiser dans les richesses de la bibliothèque de la Faculté des éléments de découvertes théoriques troublantes et ignorées de moi : communications avec les défunts, télépathie au moment de la mort, survie de l'âme, etc... et je ressentais un besoin d'aller plus loin, besoin tellement puissant qu'il m'obligea très vite à arrêter ces quêtes car je sentais que j'allais être entraînée bien plus loin que je ne le souhaitais. Les choses en sont restées là avec, bien entendu au fond de moi, des pensées qui s'envolaient souvent avec insistance vers ces vérités, pensées obsédantes que, troublée mais déterminée, je réfrénais immédiatement.

Le temps passa au rythme rapide de la vie qui se charge d’accaparer attention et efforts.
Intuitions, prémonitions, préconitions, clichés, manifestations incompréhensibles se faisaient toujours, mais comme en background, filigrane de jours qui semblaient remplis d’autres valeurs, jusqu’au jour où je fus obligée, à mon corps défendant, d’assister à une "séance de spiritisme" que le maître de maison voulait faire pour apporter la preuve de la médiumnité de sa femme. A sa grande colère, tous les contacts furent dirigés uniquement et exclusivement vers moi, et à ses demandes réitérées d’un peu plus de sérieux dans la communication, les Invisibles qui intervenaient persistèrent dans leurs affirmations : j’étais apparemment la seule réelle médium à les intéresser parmi les personnes présentes. Insistance du maître de séance pour obtenir une autre réponse plus satisfaisante pour son orgueil, mais insistance également de ces Invisibles qui entendaient remettre les choses à leur place en restant sur leur position, en affirmant que leur manifestation n’était motivée que par ma seule présence. La séance, qui prenait un tour difficile, fut très vite interrompue mais j’étais dans un trouble immense et, dois-je le dire, paniquée, car je sentais que l’irréversible était en train de se produire : depuis des années j’avais conscience de l’Invisible ; depuis des années j’avais lutté de toute la force de ma pensée positive pour repousser les évidences de dons médiumniques puissants que je ne voulais pas voir dominer ma vie ; depuis des années je refusais farouchement de céder à cette sollicitation de mon être profond, à ce besoin de découverte de vérités que j’espérais tout en les redoutant, et il avait fallu que ce jour arrivât !…

C’était pourtant un soir de septembre chaud et doux, et je ressentais encore en moi les vibrations intenses de la nature et de l’Infini qui prolongeaient en moi la douceur d’instants ineffables où, attentif à la moindre palpitation, on se sent apaisé !…

Et tout s’est joué à cette heure imprécise où l’âme qui se cherche semble enfin s’être détachée de l’attente douloureuse et des questions qui torturent en croyant atteindre à la vérité dans ces instants où l’on pense que Dieu a enfin entendu une prière et ouvre, avec un sourire, les portes de la Paix…

Après cette séance, les choses allèrent très vite ; des manifestations se succédèrent dans la grande maison que j'habitais : bruits, craquements, grincements de porte, courants d'air dans des pièces pourtant closes, bruits de pas dans les escaliers, subtils parfums de fleurs, comme si les pièces étaient remplies de bouquets…
Puis commencèrent des manifestations différentes.

J'étais, un jour, en train de rédiger une lettre pour le Centre des Impôts, et à ma grande surprise, je me rendis compte, en la relisant, qu'une écriture totalement différente de la mienne s'était interposée, me donnant un message.

Ce message, que je jugeais fort beau, était intitulé : Patience et Courage.
Je le soumets à votre appréciation :
« Tel suit son chemin qui sent ses pieds déchirés par les ronces et les pierres,
Tel affronte la maladie qui sent son corps torturé et blessé par les spasmes et la fièvre,
Tel affronte les dangers des tentations qui sent son âme chavirer sous la vilenie,
Tel subit la calomnie qui déchiquette et dévore et qui se sent perdu et désemparé,
Tel a à faire face à l'incompréhension qui bloque et révolte et qui sent son cœur saigner dans l'impossibilité de se disculper,
Tel à affronter les terribles assauts de la jalousie qui sent la lame pénétrer son être,
Tel a à vivre et qui se sent faible et désorienté.
A celui-là, en vérité je le dis : patience et courage !
Car les pierres ne jonchent pas tous les chemins, et les ronces ne déchireront pas toujours : les maladies cèdent, la calomnie tombe et est foulée aux pieds, l'incompréhension est chassée par la lumière, les jalousies sont vaincues et la confiance les expulse, la vie passera et le temps viendra où la paix lumineuse, avec l'acceptation, fera briller les ombres.

Le fardeau que tu portes est double : il est fait de ton lot d'épreuves… cinglantes, lourdes, désespérantes, mais il est fait aussi de promesses du bien et du meilleur, de la clarté et de la lumière, de la bonté et de l'amour. Alors puise en toi, et offre à ceux que tu veux aider, la force mais aussi la patience et le courage qui te porteront bien plus loin que tu ne crois, plus loin et plus haut. »

Incompréhensible pour moi !… d'autant plus incompréhensible que je ne me souvenais pas avoir écrit ces lignes que je découvrais avec une stupeur mêlée d'appréhension…
Que signifiait tout ceci ?… Bien sûr, les mots et les images parlaient à ma sensibilité, mais ces mots et ces images étaient-ils le symbole de mes jours à venir, tiraillés entre souffrance et drames, joie et exaltation ?…

Troublée, et dois-je le dire, effrayée, je souhaitais que les choses en restassent là, mais elles ne tardèrent pas à recommencer : messages, poèmes, communications de la plus grande beauté, de la plus belle veine, que j'étais impuissante à juguler, car ma main ne m'appartenait plus, et aucune résistance ne venait à bout de cette immixtion dans ma vie.
Je réagissais presque violemment à ces manifestations pourtant pleines de douceur et de poésie qui m'inquiétaient cependant terriblement, et je commençais à ruer dans les brancards pour refuser cet inexplicable que je n'acceptais pas.

Mais les messages se succédaient, m'expliquant que j'étais médium, que j'aurai un jour un rôle à jouer, rôle dont j'avais décidé l'ampleur avant même de revenir sur Terre, qu'il ne m'était pas possible de revenir sur l'engagement spirituel que j'avais pris et qui devrait se réaliser car le temps était venu d'accomplir cette œuvre. Il m'était dit que des gens -fort nombreux- viendraient à moi pour être aidés, réconfortés… sauvés. Il m'était dit que j'aiderai ces êtres en faisant renaître l'espoir, que je sauverai ces vies !…

Tableau exaltant d'une mission de valeur que je refusais néanmoins car, jour après jour, je voyais ma vie bouleversée et j'étais dans la terreur de la découverte de ces puissances invisibles qui dominaient mes jours.

Plus les choses se précisaient, plus je réagissais, et je reçus un jour un message m'expliquant qu'il était inutile de résister car la puissance de mon action serait proportionnelle à la puissance de mon refus.
Je compris alors d'autant plus vite qu'il me fallait changer d'attitude, qu'au plus profond de mon désespoir et de mon obstruction je reçus plusieurs messages dont ces lignes signées par Victor Hugo, lignes offertes pour balayer mes doutes, mes refus, mes reniements, car, je l'avoue, j'en arrivais à me révolter contre tout et… contre Dieu, me fermant à toute réflexion, à toutes vérités…

Voici ce message :

« La nuit a étendu sur la terre obscure son voile léger et diaphane.
Les étoiles, sur le sol humide, brillent comme autant de lumières, vibrent comme autant de souffles, et semblent donner à la nuit plus de profondeur encore. C'est l'heure intense et douce où l'âme éperdue, tendue vers le sombre mystère qu'elle voudrait atteindre, cherche Dieu et L'appelle.

Calme et sereine est la nuit…
Les mille bruissements qui se font entendre semblent l'écho d'une vie invisible et insoupçonnée qui pénètre chacun jusqu'au cœur d'une nostalgie terrible et délicieuse à la fois.
Les yeux levés vers le ciel, l'Homme contemple l'obscur Infini au-delà duquel il sait qu'il atteindra la vérité et qu'il pourra contempler Dieu en face…
Regarde et espère.
Ton âme se trouble et dans ton cœur la crainte et l'espoir cohabitent.

Lumières de la nuit infinie, vous qui brillez là-haut, faites que le ciel tout à coup s'illumine et s'éclaire. Faites que nos yeux puissent deviner au-delà des ténèbres, la lumière divine qui doit réchauffer nos cœurs.

La nuit est sombre, la nuit est douce, et il semble que l'on baigne dans une infinie tendresse, dans une douceur tiède et légère qui nous enveloppe subrepticement comme d'un voile diaphane.

Les yeux mi-clos, j'écoute…

Que de bruits !…
Je croyais la nuit silencieuse, mais je me rends compte tout à coup, que la nuit vit, vibre, crépite, chante, résonne de mille soupirs, de mille baisers, de mille sanglots…

J'écoute, et je ne sais si la peur ou la joie, si la terreur ou le bonheur m'habitent.
J'ai l'impression qu'en tendant la main, je vais pouvoir ouvrir les portes de l'Infini, mais je reste là, immobile, et tout à coup, la tiédeur de la nuit me glace : je me sens si petit, si faible ! Je suis là sans force, comme aspiré dans l'immense mouvement qui se fait et s'élance comme un appel angoissé, et monte vers Dieu.

Dieu !…
Je ne peux plus douter, je ne peux plus qu'ouvrir mon cœur, car tu es là, présent, immense, puissant, terrible, et pourtant si bon, si doux, si tendre…
Je m'incline ! Je baisse la tête ! Comment ai-je pu un jour penser que je défierais Dieu ?…
Je ne peux que m'incliner et dire : “Pardon, Seigneur, d'avoir douté ! La nuit est douce et tiède, et les mille bruits que j'entends sont les voix de tes anges…”

Lève les yeux, toi qui as douté, et regarde, au-delà du rideau sombre de la nuit, briller la lumière de Dieu qui jette pour toi les milliers de perles de ses étoiles, douces comme un message d'amour et d'espoir.
La nuit est douce et tiède, et mon cœur calme et apaisé rejoint par-delà la Terre, par-delà l'obscurité, l'infinie tranquillité de l'amour et de la vie.

Dieu veille, et je crois… »

A la lecture de ces lignes qui plongeaient au cœur de ma révolte, je compris très vite, bien que bloquée dans ma compréhension et ma volonté, que quelque chose de plus important que je l'estimais était en train de se produire. Je compris qu'il était temps de cesser de me rebeller et, tout de même dépassée par les événements, j'essayais de m'adresser à un prêtre avec l'espoir qu'il pourrait m'aider à comprendre.
Loin de railler, il m'adressa à un groupe spirite parisien qui, il le pensait, pourrait m'aider à affronter tout cela.
Je pris donc immédiatement contact avec ce groupe.
Les médiums qui me reçurent m'écoutèrent attentivement mais se déclarèrent impuissants à m'aider car reconnaissant une médiumnité qui les dépassait un peu ; ils m'adressèrent à un autre groupe de Tours qui ne m'apporta pas d'autre réponse que celle déjà reçue : médiumnité importante qu'il me faudrait accepter d'utiliser et de vivre… Mais comment le faire ?…
« En travaillant ! » me répondait-on…
Travailler, mais comment… et avec qui ?…

Le temps passait et j'avais l'impression d'être totalement abandonnée dans une solitude humaine désespérante. Mais je fus heureusement aidée dans ma quête par une parente résidant à Rio de Janeiro, qui me mit en relation avec un Centre spirite de cette ville dont les conseils et le travail à distance me firent accepter de comprendre, puis de développer une médiumnité qui m'a permis depuis, comme cela m'avait d'ailleurs été prédit -ce que je niais à cette époque- d'assister et d'aider bénévolement, des milliers d'êtres désemparés, de sauver des milliers de vies, d'éclairer des chemins trop difficiles.
Je continuerai d'ailleurs à le faire jusqu'à mon dernier souffle car en ces périodes de crise douloureuse, il nous faut plus que jamais être présents dans l'abnégation la plus totale pour que des vies puissent renaître.
Les groupes spirites brésiliens me firent découvrir -c'est un comble ! - Allan Kardec dont j'entendais parler pour la première fois.
Le Livre des Esprits fut ma première lecture et je compris alors que mon attente n'avait pas été vaine, que tous mes espoirs d'approfondissement des questions spirituelles allaient commencer à s'accomplir, car à la lecture de ces pages, je découvris ce que j'attendais depuis si longtemps.
La puissante logique de ces lignes ouvrait pour moi une porte sur un horizon lumineux, celui des vérités enfin trouvées, celui de la découverte exaltante des valeurs réelles, de la présence divine dont j'avais fini par tant douter, la conscience d'une relation qui pouvait s'établir réellement entre l'Humain et le Divin ; je reçus les réponses que j'attendais depuis si longtemps et qui élargissaient jusqu'à l'infini lointain d'un Plan majeur jusque-là inconnu de moi, le champ d'une découverte et d'un constat qui transportaient dans un plan de valeur insoupçonnée mon esprit ébloui.
Je découvrais le Spiritisme dans sa vérité, non ce Spiritisme de bas niveau qui n'est qu'une image que l'on se plaît à garder sans vouloir admettre que ces premiers contacts à travers les tables tournantes avaient, en fait, abouti à la découverte d'une philosophie de valeur, mais je fis la découverte de cette philosophie qui allait pouvoir, « présenter de façon non religieuse le message chrétien aux hommes désormais non religieux car le monde est devenu "majeur" et il a besoin d'un christianisme sans religion où Dieu ne paraît pas comme une réponse à la faiblesse de l'homme. Le christianisme conventionnel est fini, ainsi que la théologie qui lui était étroitement liée. »

Alain Woodrow

 

Mais, je crois qu'il convient de faire une digression pour découvrir ce Spiritisme décrié et honni parce qu'inconnu, car on a trop souvent tendance à négliger le côté élevé du Spiritisme, pour se cantonner dans la recherche exclusive du phénomène physique.

 
sa vie, son œuvre…